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Collection Ettore Molinario : Dialogues : Man Ray et Anonyme

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Il s’agit du neuvième dialogue de la Collection Ettore Molinario. Un dialogue entre Man Ray et Henry Miller, et peut-être entre Man Ray et ses larmes invisibles. En hommage à l’une des images les plus célèbres du grand photographe américain, qui est si proche des visages des statues antiques de la Semaine Sainte à Séville, je vous invite à nous suivre dans les prochains rendez-vous.
Ettore Molinario

Bien que cela puisse paraître étrange, c’est une bonne chose que Man Ray et Henry Miller ne se soient pas rencontrés à Paris au cours des années qu’ils y ont passées. Étrange parce que le photographe était arrivé dans la capitale française en 1921, il y a exactement un siècle, et l’écrivain en 1928. Étrange parce qu’ils avaient le même âge, ils étaient américains, tous deux fils de tailleur, ils étaient libertins, libertaires, athées, individualistes et ils aimaient De Sade, même si Man Ray le connaissait mieux puisque, habitant rue Campagne-Première, il était le voisin de Maurice Heine, responsable de la véritable redécouverte du Divin Marquis. Mais l’étrange jeu des coïncidences continue car en 1934 Man Ray imprime la collection Man Ray. Photographies 1920-1934 Paris, alors que la même année Henry Miller publie Tropique du Cancer à Paris aux éditions de l’Obelisk Press et dans les premières pages il écrit : « Paris est le berceau des naissances artificielles ».

L’artifice du destin veut que Man Ray et Henry Miller quittent Paris pour les États-Unis en 1940, s’ignorant toujours et ne se retrouvent à Hollywood que quelques mois plus tard chez Gilbert et Margaret Neiman où Miller, sans le sou, trouva refuge. Tous ensemble Man Ray et Juliet, sa nouvelle compagne, Gilbert, Margaret et Henry passent de longues soirées à jouer, boire et danser jusqu’à l’aube. Mais peut-être que derrière le visage de Margaret, caché par un masque en papier mâché peint, Man Ray imagine un autre visage. Un autre corps. Un autre amour. Une autre ville. Et dans cette étrange nostalgie, le portrait d’Henry Miller et Margaret Neiman, qui célèbre enfin la rencontre entre les deux hommes, devient en réalité l’autoportrait de Man Ray et de son désir secret de revenir à Paris et à tout ce qu’il a vécu. . Qui sait si Man Ray s’est souvenu des larmes qu’il a versées le lendemain de l’adieu de Lee Miller, ces larmes de verre qu’il photographierait peu de temps après, ces larmes de verre à coté des yeux barbouillés de rimmel ? Car les femmes doivent pleurer et souffrir, les femmes-muses, les femmes-mystères, voire les saintes dans le blasphème de la mémoire sadienne chère à tout surréaliste. Impossible de savoir si Man Ray avait vu l’une des statues défiler dans la procession de la Semaine Sainte à Séville. Ce qui est certain, c’est que les larmes « voient » mieux que les yeux.
Ettore Molinario
www.collezionemolinario.com

 

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