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Collection Ettore Molinario : Dialogues : Earl Moran & John Franklin-Adams

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Il s’agit du vingtième dialogue de la Collection Ettore Molinario. C’est un hommage à la lumière des étoiles, une lumière vers laquelle la photographie, prométhéenne par nature, se sent attirée depuis ses origines, comme nous le rappelle la voûte céleste de John Franklin-Adams. A côté, illuminant le ciel de notre désir, se trouve une autre star, Marilyn Monroe, encore nommée Norma Jean dans le portrait d’Earl Moran. De belles lumières pour commencer 2023 ensemble.
Ettore Molinario

 

S’ils s’étaient rencontrés enfants, et peu importe s’ils appartenaient à des époques différentes, et s’ils avaient passé une nuit ensemble, ces nuits à la fenêtre, nuits encore observées à l’œil nu, John et Norma auraient parlé des étoiles. Ils en rêvaient tous les deux et ils voulaient tous les deux faire partie de cette immense étendue de lumières, chacun à leur manière. John était John Franklin-Adams, astronome et photographe, membre de la Royal Astronomical Society depuis 1897. Norma était Norma Jean Baker, qui à vingt ans était encore Norma Jean Dougherty, le nom de famille de son premier mari, et était sur le point de devenir Marilyn Monroe.

John Franklin-Adams, anglais et polyglotte dans une nébuleuse de langues allant de l’Espagne à l’Italie et de la Russie à la Scandinavie, avait commencé à étudier les étoiles à la quarantaine. Ses héros étaient John William Draper, qui avait photographié la lune en 1840, Jean Bernard Foucault qui avait peint le soleil pour la première fois en 1845, Julius Berkowski, sa première éclipse solaire observée en 1851, et enfin Paul Pierre et Prosper Mathieu Henry qui en 1886 avait admiré Jupiter et Saturne. Mais John Franklin-Adams voulait plus. Assureur de la compagnie Lloyd, il voulait s’assurer la gloire éternelle, et en deux longues expéditions photographiques dans l’hémisphère sud, à Cape Town, et dans l’hémisphère nord, dans l’observatoire construit dans sa maison d’Argyllshire, avait réalisé le premier atlas du ciel. Deux cent six planches, chacune divisée en carrés gravés sur le même objectif. Plus facile, voire plus faisable, de compter les étoiles sur chaque carreau céleste, et c’est l’entreprise à laquelle Franklin-Adams a consacré le reste de sa vie.

Norma Jean s’était aussi mise à regarder les étoiles à travers un carré, celui de la fenêtre de sa chambre dans son orphelinat de Los Angeles. Derrière les volets brillait l’enseigne lumineuse de RKO Radio Pictures. Mais à l’époque, quand Norma avait huit ans, le nom de ce major qui comptait des stars comme Katharine Hepburn, Fred Astaire, Ginger Rogers, Cary Grant et Bette Davis, ne lui rappelait que l’odeur de la colle sur les doigts de sa mère, employée dans le département édition par RKO même. Il a fallu encore huit ans, et à ce moment-là, elle était déjà une enfant mariée, pour que Norma Jean comprenne que le grand écran était sa voûte céleste et que les corps lumineux d’Ingrid Bergman, Joan Crawford, Gene Tierney et Jennifer Jones, ses divas adorées, formaient une constellation dont un jour sûrement elle ferait partie.

Le célèbre portraitiste de pin-up Earl Moran a été l’un des premiers à deviner que cette fille aux lèvres née pour sourire avec innocence et plaisir deviendrait une star de cinéma. Question de photogénicité et de réaction à la poussière stellaire des projecteurs. Moran avait sélectionné Norma dans le catalogue de l’agence de mannequins Blue Book et pendant quatre ans, au cours desquels photographe et mannequin deviendraient amis, il l’a représentée dans son studio en la payant 10 $ de l’heure. Le canapé sur lequel Norma était allongée était probablement défoncé, la serviette dont elle se couvrait n’était pas la robe écarlate qui envelopperait son corps un jour, et les pantoufles d’homme étaient un univers loin des talons aiguilles qui ponctuaient sa foulée prodigieuse. Pourtant une étoile, plus incandescente qu’une supernova, était en train de naître. Les scientifiques disent que les premières étoiles sont nées il y a treize milliards d’années d’un nuage d’hydrogène et d’hélium. Éternellement amoureuses de Marilyn, on sait tous que de toutes les stars elle a été la dernière.
Ettore Molinario

www.collezionemolinario.com

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