Il s’agit du onzième dialogue de la Collection Ettore Molinario. Un dialogue sur la vérité des émotions et leur représentation scientifique. Un dialogue entre des protagonistes éloignés, que le destin a voulu réunir en un même lieu. Et en imaginant la rencontre entre Duchenne de Boulogne et Lady Diana à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, je vous invite à suivre nos prochains rendez-vous.
Ettore Molinario
C’est une de ces dates dans l’histoire qui appartient à tout le monde maintenant, et c’est une question récurrente, « vous souvenez-vous du jour où Lady D est morte ? Et où étais-tu ?» Le 31 août 1997, la princesse Diana s’éteignait à Paris, à la Pitié-Salpêtrière, dans ce même hôpital où un siècle et demi plus tôt Guillaume-Benjamin-Amand Duchenne de Boulogne, neurologue français, avait mené ses extraordinaires recherches sur la conductivité des neurotransmetteurs et sur la neurophysiologie des émotions. Des recherches que le médecin avait également documentées sur le plan photographique et qu’il avait rassemblées en 1862 dans le célèbre volume Mécanisme de la physionomie humaine, inaugurant la relation entre la photographie et la médecine. Avec Adrien Tournachon, le frère cadet de Nadar, puis de manière indépendante, Duchenne avait documenté les différentes réactions des muscles faciaux à la stimulation des électropunctures, et avait ainsi identifié, en les reliant aux mouvements des muscles individuels, treize émotions primaires : l’attention, réflexion, agressivité, douleur, bonheur, bienveillance, luxure, tristesse, pleurs, gémissements, surprise, peur, terreur.
Avant que les photographes ne mettent en valeur l’évolution rapide des émotions, et avant que la joie, le désespoir, l’amour, la pitié, la colère ne deviennent un sujet quotidien, un scientifique avait déjà tout catalogué. En effet, qu’est-ce que Mécanisme sinon un atlas d’émotions photographiques, dont le visage est le protagoniste ? Qu’est-ce que ce livre médical sinon la tentative très humaine, selon les mots de son auteur, de «saisir les conditions qui créent esthétiquement la beauté», où la beauté du visage est toujours «la beauté des émotions»?
Alors qu’est-ce que le portrait qu’Erwin Olaf consacre à Lady D, dans la série Royal Blood, sinon la découverte d’un « autre mécanisme », d’un autre atlas, celui de la fiction des émotions ?
Malgré l’accident du tunnel du Pont de l’Alma, malgré la chair mutilée, le beau visage de l’imitateur de Diana Spencer ne montre aucune douleur. Et même parmi les images d’actualité sans fin qui ont marqué la vie de la «princesse triste», il n’est pas facile de reconnaître la vérité de ses sentiments. Duchenne est entré dans l’histoire pour avoir su distinguer les muscles faciaux qui provoquent un sourire sincère, le « sourire de Duchenne », de ceux qui génèrent un soupçon de circonstance. Qui peut dire ce que le père de la neurologie moderne aurait découvert si Lady D avait été l’une de ses patientes à la Salpêtrière.
Ettore Molinario
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