Au nord-est du Brésil, il y a une zone géographique singulière, aussi réelle que mythologique. Marquée par un climat semi-aride, elle est frappée par des épisodes de sécheresse extrême qui affectent directement toutes formes de vie. Ce territoire, c’est le sertão, synonyme de Brésil profond, habité par un peuple d’une extraordinaire capacité de résistance, viscéralement attaché à la terre.
Amplement représenté à travers la littérature, la musique et le cinéma, le sertão est un sujet à part entière dans la photographie brésilienne. Ses paysages, ses visages, le savoir-vivre de ses habitants, leur dure condition mais aussi leur sens inné de la fête ainsi que leur ferveur religieuse mobilisent, depuis toujours, des photographes d’horizons divers. Qu’il s’agisse des ambulants qui, par le passé, sillonnaient ces terres arides pour offrir leurs services là où la technologie n’arrivait pas, des photojournalistes, chargés de documenter des exodes historiques tout au long du XXe siècle ou encore des documentalistes et photographes plasticiens de la scène contemporaine, le sertão ne cesse d’interpeller les artistes de l’image.
Claudio Edinger (Rio de Janeiro, 1952) se situe dans cette dernière catégorie. Il débute sa carrière à New York en 1976 lorsqu’il vit dans une communauté de Juifs orthodoxes à Brooklyn, puis dans l’emblématique Chelsea Hotel à Manhattan, qui va inspirer son premier livre. Vingt ans plus tard, il rentre définitivement au Brésil pour entreprendre, à partir de 2005, une série de voyages dans le sertão de Bahia qui durera sept ans.
À l’aide de la mise au point sélective, devenue pendant ces vingt dernières années sa marque de fabrique, Edinger capte le sertão avec un regard lyrique, subjectif, presque abstractionniste. Il crée à la fois un sertão intimiste et foisonnant de couleurs, imprégné de douceur, avec une pointe de mélancolie.
Cristianne Rodrigues
