Claudio Cravero propose à PHOTO MARSEILLE #8 deux séries, Fantasmi et History of Violence.
Fasciné par le cinéma, dans les années 70, il en explore la technique et le résultat à travers de courts récits photographiques, pour ensuite aborder des expériences de synthèse, mais seulement pour répercuter l’inévitable caractère transitoire des certitudes illusoires de la vie quotidienne, souvent réduites à un simple signe de « passage » destiné à l’oubli comme dans Fantasmi. D’autres fois, il s’agit d’un simple acte d’exorcisme : la peur de la mort, sa mise en scène par les médias, la pulsion de violence aussi irréparable qu’irrésistible dans des instants de folie (History of Violence).
FANTASMI
Des maisons vacantes, inhabitées ou temporairement vides, mais qui montrent des traces. On n’abandonne pas radicalement un lieu sans laisser derrière nous le souvenir de soi, des signes et des objets qui nous appartiennent comme nous leur appartenons. Les maisons sont des carapaces, des extensions de notre corps, nous changeons d’habitation, mais nous laissons le souvenir de nous, des témoignages de notre passage. Une mémoire émotive qui raconte sans raconter, laissée de côté mais présente dans notre vécu, un fragment de nos souvenirs. Un voyage qui appartient à tous dans lequel chacun de nous peut retrouver ou reconnaître quelque chose de son propre monde. Des images fantasmatiques, des sentiers tracés quotidiennement par notre vécu comme des hiéroglyphes à déchiffrer dont la signification est une histoire à raconter.
HISTORY OF VIOLENCE
Des corps apparemment morts, victimes de quelque violence subie dans leur propre espace domestique. Leur identité ? Insignifiante. Comme le suggère le choix de ne jamais montrer les visages, une pratique à partir de laquelle s’articule le démantèlement graduel des conventions traditionnelles du portrait. Mais ni la main ayant donné la mort, ni même l’arme du crime ne constituent les points focaux de la recherche du photographe. La protagoniste est plutôt la lumière: affilée et tranchante comme une lame, elle pénètre sournoise depuis un ailleurs lointain jusqu’à déchirer le voile de la peur. Pas de la mort en soi, plutôt de cette détestable indifférence à son égard, résultat d’une saturation évidente de la mort mise en scène par les médias. Dans sa qualité sérielle, History of Violence est un catalogue et en même temps une enquête disciplinée: la certitude de la fiction (il s’agit d’une mort récitée) réfracte toute l’ambiguïté du réel, c’est pourquoi la mise en scène omniprésente de la dramaturgie de la narration soulève des questions aussi bien sur la « fidélité » de la photographie dans son processus de traduction de la réalité que sur l’immutabilité de la mort en tant qu’acte. Ces clichés remplissent ainsi une double fonction : d’une part ce sont des memento mori, de l’autre ils sont stratégie de traduction, technique personnelle pour trouver un compromis avec la pensée elle-même (et la peur) de mourir.
Claudio Cravero vit et travaille à Turin.
Il commence la photographie dans les années 70 en intégrant l’activité théâtrale pendant plusieurs années (de 1983 à 1991 il fait partie des fondateurs et acteurs du FANTEATRO).
De 1998 à 2002, avec trois autres photographes, il fonde l’association culturelle FINE (Fotografia e Incontri con le Nuove Espressioni) avec un espace d’exposition sans but lucratif dédié aux nouveaux photographes.
En 2014, avec cinq autres artistes, il fonde l’association culturelle ACCA pour organiser l’ouverture au public des ateliers turinois et créer un réseau international d’échanges entre artistes.
Influencés par des expériences théâtrales, les projets photographiques de Cravero démarrent à partir d’une trame qui se développe au fur et à mesure, avec un parcours toujours ouvert aux écarts et aux déviations, et sont déterminés par le lieu ou par les rencontres occasionnelles. La présence de la lumière naturelle est la constante de tous ses travaux qui renvoient aux classiques de la peinture, point de départ de son in-formation, et au cinéma de David Lynch et David Cronenberg.
Depuis 1985, il a exposé en Italie, en France, au Portugal, en République Tchèque, en Écosse, en Argentine et aux États-Unis.