Presque trois ans après la disparition du célèbre anthropologue, Defacto La Gallery revient sur le travail photographique de Claude Lévi-Strauss.
Comme il le dit lui-même, il n’a jamais vraiment attaché d’importance à la photographie, la considérant plus comme un outil et préférant regarder les choses en temps réel plutôt que derrière un objectif. Pourtant – fils d’un artiste portraitiste – l’œil de Lévi-Strauss a subit une influence paternelle certaine. Avec la collaboration du musée du Quai Branly, Mondes Perdus rassemble des clichés pris dans les années 1930 par Lévi-Strauss, lors de ses séjours chez les Amérindiens du Brésil.
Armé de son Leica, Claude Lévi-Strauss est alors le témoin d’une époque charnière, où l’urbanisation galopante fait défaut aux populations indigènes. Accompagné de sa femme Dina, les deux ethnologues découvrent les civilisations indiennes d’Amazonie et ses peuples dits « primitifs ». Lévi-Strauss restera profondément marqué par son passage chez les Nambikwara, chez lesquels il admire leur rapport à la nature, leur grande liberté et la notion qu’ils ont de la sociabilité. Il séjourne également chez les Caduveo, les Bororo et bien d’autres.
Un film retraçant son parcours est d’ailleurs projeté à la fin de l’exposition.
Cette aventure sud américaine donnera le lieu à l’ouvrage Tristes Tropiques , dans lequel il mêle souvenirs de voyages, images et réflexion sur le concept de civilisation. La civilisation occidentale est alors envisagée comme une option parmi tant d’autres. Lévi-Strauss s’attache aussi à souligner la fragilité de ces civilisations, face au phénomène de mondialisation et le développement d’une monoculture « la civilisation en masse, comme la betterave » .
Bien que prises entre 1935 et 1939, à l’heure où la population mondiale ne cesse de croître et la déforestation de la forêt amazonienne pose problème – pour des raisons aussi bien environnementales que pour ses habitants – le débat est encore contemporain. Aussi, lorsqu’on lui parle d’avenir quelques années avant sa disparition, « Massimo Lévi » comme l’appelaient certains Indiens déclare :
« Nous sommes dans un monde auquel je n’appartiens déjà plus. Celui que j’ai connu, celui que j’ai aimé, avait 1,5 milliard d’habitants. Le monde actuel compte 6 milliards d’humains. Ce n’est plus le mien. Et celui de demain, peuplé de 9 milliards d’hommes et de femmes – même s’il s’agit d’un pic de population, comme on nous l’assure pour nous consoler -, m’interdit toute prédictions. »
Juliette Deschodt
Mondes Perdus
Jusqu’au 2 juin 2012
Defacto La Gallery
2, esplanade du Général de Gaulle
92095 La Défense
France