Le mail le plus touchant que nous ayons reçu récemment, il vient d’un photographe, Christophe Jacrot – JJN
Bonjour,
Vous avez une position assez centrale dans le petit monde de la photo, je crois savoir que vous appréciez mon travail.
C’est pour cette raison que je me permets de me livrer à vous.
En effet, Je suis à deux doigts d’abandonner la photo, Si le vrai soutien de deux bonnes galeries à Paris et à Genève me porte encore un peu, (très bonnes ventes en novembre dernier à Paris dont une partie filent à l’étranger, aux USA notamment); encouragé par ces ventes parties à l’étranger, j’ai contacté une bonne centaine de galeries dans le monde entier.
Aucune de ces galeries, même les plus petites (sauf une ou deux qui n’ont vraisemblablement rien regardé) ne daigne répondre, même pas un refus poli !! C’est extrêmement désespérant, outre l’extrême impolitesse que cela représente. Ces silences me plongent dans de très violents doutes !
Je sais bien qu’elles sont beaucoup sollicitées. mais je pense que ces sollicitations sont balayées par mépris.
Mais comment font les éditeurs qui eux prennent le temps de lire des centaines de manuscrits de 300 pages ??!
Peut-être que je ne comprends plus rien à la photo, ou probablement que mon travail est faible voire merdique ou totalement démodé, ringard, ou pas assez conceptuel. Probablement que mon travail n’est pas à la hauteur de leurs artistes.
Je n’arrive plus à me défaire de ce sentiment, c’est terrible. Je n’arrive plus à travailler. J’ai perdu mes repères, Pourtant mes livres se vendent bien, les très nombreux compliments reçus des acheteurs n’y font plus grand chose. Je dois peut-être accepter une triste vérité :
La « profession », elle, ne veut pas de moi ! Les galeries que j’estime de bon niveau m’ignorent totalement (l’argument de mes ventes passées ne sert à rien). Leur silence est violent.
Je suis encore plus invisible pour les festivals (à l’exception d’un seul festival belge, Arlon), je ne parle même pas des institutions. Je ne les contacte d’ailleurs pas. Je dois passer pour un amateur gentillet à leurs yeux.
Mon travail dure depuis 15 ans et représente je pense un corpus qui existe formellement et émotionnellement, Si j’en crois la centaine d’articles obtenus !
Mes photos, d’apparence simple, semblent toucher le public, mais ça n’intéresse vraiment pas les professionnels de la profession.
Bref je ne rentre pas dans le moule !!
J’aurais encore beaucoup à dire, mais je préfère m’arrêter là.
Christophe Jacrot
