Pour l’édition 2012 du festival Circulation(s), l’équipe de Fetart a choisi Christine Ollier pour succéder à Laura Sérani, marraine de l’édition inaugurale. Christine Ollier, directrice artistique de la Galerie Les Filles du Calvaire, spécialiste en communication culturelle, historienne de l’art et commissaire d’exposition, a accepté de tenir ce rôle de parrainage, pour soutenir ce jeune festival consacré aux nouveaux talents de la photographie européenne. Dans le cadre de sa carte blanche, la marraine de la manifestation met en avant les travaux de quatre artistes : David de Beyter, Michel Bousquet, Matt Wilson et Yusuf Sevinçli.
Ericka Weidmann : Vous succédez à Laura Serani pour l’édition 2012 du festival Circulation(s) : quel est votre rôle en tant que marraine ?
Christine Ollier : Le travail de réseau est fondamental, il est le meilleur moyen de découvrir des artistes, de les sélectionner et de les diffuser.
J’ai moi-même organisé une biennale pour artistes émergents, il y a quelques années en 92/96, qui servait d’interface avec les institutions et les galeries. À l’époque il n’y avait pas grand chose de ce genre et cet événement a été important pour la jeune scène française, pourtant, là aussi, c’était dû à de la « passionaria » associative.
Aujourd’hui il y a pléthore d’événements et il faut donc trier parmi ce foisonnement. Quand je suis passée l’année dernière voir le festival Circulation(s), j’ai été très agréablement surprise de la qualité de la sélection et de la motivation de l’équipe ; même si, bien sûr, il y avait des petites choses à améliorer… Je leur ai donc donné quelques conseils et de fil en aiguille elles m’ont demandé d’être leur marraine. J’ai d’abord refusé car il me semblait leur avoir déjà donné ce que je pouvais et je n’aime pas trop me mettre en avant. Par la suite, je me suis rendu compte que c’était important d’approfondir et d’essayer d’améliorer encore leur intégration dans le réseau européen en favorisant certains contacts. Il en a été de même pour quelques sponsors tels que la Souris sur le gâteau et Imagine. Dans le même ordre d’idée et pour les aider au mieux : être marraine, c’est porter leurs couleurs ; en espérant que ma propre démarche en inspirera d’autres car à l’évidence, le soutien de professionnels donne du crédit à cet événement, au delà bien entendu de sa qualité intrinsèque.
EW : Quel regard aviez vous portez – peut-être même critique – sur la première édition du festival ? Aviez-vous donc des idées précises sur votre action pour 2012 ?
CO : 2011 était sincèrement une belle édition, il y avait juste un peu trop d’artistes pour l’espace mais c’était une intéressante vitrine européenne et française. J’ai participé au jury de 2012 et pour l’instant je demande à voir. Il y a moins d’artistes, mais la sélection reste très ouverte ce qui me semble être un atout, même s’il ne faut jamais préjuger du résultat, il faut aller voir !!
EW : Vous présentez 4 photographes dans le cadre de votre Carte Blanche, des artistes aux profils différents, rencontrés lors d’une lecture de portfolio pour David de Beyter, lors de voyages pour Matt Wilson et Yusuf Sevinçli, ou encore Michel Bousquet, qui est un ami à vous. Pourquoi ces 4 personnalités là précisément ?
CO : Pour des raisons de rencontres comme je l’ai expliqué dans mon texte de présentation et aussi pour montrer que la photographie n’est pas forcement liée au spectaculaire et peut être au contraire d’un ordre plus modeste voire quasi intimiste comme c’est le cas pour 3 d’entre eux : Matt, Yusuf et Michel. David représente l’autre champ, plus formel, que l’on dit plasticien en France. Comme personnellement, mon goût est très ouvert et ma manière de chercher éclectique, il me semble que c’est assez à propos de présenter des choses un peu moins attendues et quelque peu éloignées des tendances actuelles, dans ce festival de découvertes.
EW : Matt Wilson et Yusuf Sevinçli sont représentés par votre galerie, ne craigniez-vous pas que ce choix paraisse un peu « partial » ?
CO : Oui au départ et je me suis dis que c’était partial et ça le reste, mais avec des nuances car Yusuf et Matt sont représentés par la galerie de manière très épistolaire en réalité. Je n’ai pas fait d’expo, je n’ai fait que les découvrir et les mettre sur un petit mur à Paris Photo, car ce sont pour moi des coups de cœur qui n’ont pas forcement une réelle place pour l’instant dans la galerie déjà surchargée en terme de programmation. Mais en les sélectionnant, en les « protégeant » en quelque sorte, je contribue à les aider et à diffuser leur travail alors qu’ils seraient peut être actuellement méconnus. De fait, notre galerie a une telle renommée que si nous présentons un artiste, les amateurs regardent de plus près, c’est leur donner une chance plus grande et plus rapide.
Les présenter ici c’est une continuité de cette action car c’est leur première présentation en France alors qu’ils sont déjà apparus ailleurs. Grâce à nous, Matt a été présenté au festival de Phnom Penh en 2011 et le sera à la Biennale de Moscou cette année. Yusuf est une découverte toute récente qui nous a emballée et je pense que c’est un bel hommage à l’Europe, artistique du moins, que ce jeune turc, influencé par un suédois tel qu’Anders Petersen, qui arrive a développer un univers bien à lui.
De plus, l’équipe de Circulation(s) a plutôt favorisé cette sélection et aurait même été ravie que je montre aussi Dorothée Smith, mais elle, même si c’est aussi une découverte récente, vient d’être « intronisée » car nous venons d’ouvrir son exposition à la galerie et donc là non, elle n’a plus besoin de ce tremplin.
Donc oui je suis partiale et je tiens à l’être, car je pense que c’est pour la bonne cause dans la mesure où la galerie ne peut pas tout faire, et je ne vois pas pourquoi je choisirais d’autres photographes, peut-être moins bien, alors que ceux-ci sont intéressants et ont besoin d’un coup de pouce comme les autres.
EW : Vous avez également fait partie du jury qui a sélectionné les photographes exposés à Circulation(s) : 24 travaux ont été retenus sur près de 600 dossiers – Quels ont été vos critères pour le choix de la programmation ?
CO : Je suis réputée « sévère » et je le suis sans doute car d’une manière générale j’ai voté un peu moins généreusement que certains. C’est sans doute logique : repérer et sélectionner, c’est mon métier et ma passion depuis 30 ans. Mes critères sont évidemment la qualité mais aussi l’originalité du traitement et du sujet mais surtout du langage photographique. Aujourd’hui nous sommes dans un monde de redite visuelle incessante et incontournable. Pour moi, il est donc très important que la vision soit particulière – je n’ai pas dit « nouvelle » mais vraiment personnelle – tant dans le contenu que dans la forme. Le sujet de genre est très galvaudé en photographie car il s’inscrit dans le cadre d’une continuité historique et il n’y a donc pas grand chose à inventer ; par contre un artiste par son langage peut toujours renouveler la vision..