Nazraeli a publié plus de 400 titres en 25 ans. strong>Chris Pichler a mis son regard talentueux au service des livres photographiques. Jeff Dunas a pu discuter avec ce non-conformiste pour essayer de déterminer ce qui fait que sa maison d’édition est si différente des autres.
Lors de son enfance à Lawrence, au Kansas, le futur éditeur Chris Pichler avait un ange gardien nommé Nazraeli. Au moment où il fêta ses dix-huit ans, il savait qu’il n’avait qu’un but, un intérêt prépondérant, une passion : publier des livres photographiques. Plus tard, doté d’un diplôme des beaux-arts et désireux de vivre en Europe, Pichler arriva en Allemagne où il trouva un travail, emballant des lampes dans un entrepôt le jour et fabriquant des livres la nuit. À l’occasion, quand il avait suffisamment d’argent pour imprimer des livres, il les reliait lui-même.
Chris n’est pas amateur de visites en galeries et s’il reconnaît la valeur d’une superbe impression, il ne cherche pas à produire sa réplique dans les livres Nazraeli qu’il publie. Sa vision implique des livres sans prétention – dont c’est le contenu qui a de l’importance. Il a eu la chance que cette vision plaise aux collectionneurs de livres et de photographies du monde entier, et a réussi à se bâtir une niche dans un domaine affligé de son lot de maisons d’édition rapidement disparues, incapables de trouver un moyen d’assurer leur survie financière. L’une des raisons importantes d’échecs aussi nombreux relève de la manière dont les livres ont été présentés et vendus. Plutôt que de s’en remettre à des distributeurs et à des marchands qui ensemble gardent au moins 50% du prix de vente du livre, et ont tout le loisir de retourner autant d’exemplaires qu’ils le veulent pour se faire rembourser, Pichler possède une liste de collectionneurs loyaux et enthousiastes qui achètent directement auprès de son entreprise, lui permettant de prendre des risques avec des livres que les équipes commerciales d’autres maisons d’édition ne comprendraient pas et rejetteraient instantanément. Le mot prudence ne fait pas partie du vocabulaire de Chris Pichler. Chris peut imprimer seulement 500 copies d’un livre et faire du profit là où un modèle éditorial normal demande un tirage à 3500 – 5000 exemplaires minimum. C’est un jeu où il faut miser gros et Pichler est l’un des rares personnages s’y adonnant à pouvoir nous surprendre et nous amuser constamment avec des livres excentriques mais merveilleux, choisis selon l’instinct et de l’expérience d’un seul homme, mis au point par lui en collaboration avec les artistes.
Pendant des années, nous avons pensé que Nazraeli était une entreprise allemande quand tout à coup elle fit son apparition à Tucson, dans l’Arizona. Pas de communiqué de presse, pas de campagne publicitaire – en fait pas de département presse ou publicité du tout ! Pas de force de vente, pas de bureaux ou de comités éditoriaux, pas d’ennuyeuses discussions à propos de la direction à prendre avec chaque livre, pas de gros rabais, pas d’invendus, pratiquement pas d’employés. Et malgré cela, tous les autres éditeurs et aspirants-éditeurs du milieu regardent Nazraeli, se grattent la tête, et s’en retournent encore plus confus que jamais quand ils essayent de comprendre son business model. Les réponses à ces questions tiennent à la personnalité de Chris Pichler lui-même. Il sait ce qu’il aime, ce qu’il veut et comment mener sa vie. Est-il un reclus ? Probablement pas – mais il est très calme (la plupart du temps !), élégant, doté d’un étonnant sens de l’humour, aime énormément ce qu’il fait et sait parfaitement ce qu’il ne veut pas. Il ne veut pas une grosse entreprise avec beaucoup d’employés. Il ne veut pas d’un bureau situé au beau milieu d’une grande ville. Il ne veut pas entrer en compétition avec qui que ce soit.
Installé dans une maison magnifique d’un quartier tranquille de la banlieue de Portland, dans l’Oregon, il y vit avec sa charmante épouse, Maya ; il apprécie l’esthétique japonaise et est récemment tombé amoureux de l’architecture néoclassique espagnole. Fin gourmet et amateur de vin, il passe son temps entre Portland, Tokyo, et la région vinicole de la côte californienne Paso Robles où il a récemment reconstruit une maison sans prétention au sommet d’une colline avec une vue imprenable sur des centaines de kilomètres de Californie rurale.
Jeff Dunas