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Chobi Mela X : Here to Stay (Ici pour Rester) par Shahidul Alam

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C’était en l’an 2000. Le nouveau millénaire.

Lorsque le ministre a appelé, il était presque minuit. Robert Pledge et moi-même, avions mis sur pied avec minutie pendant six ans une exposition spectaculaire, qui montrait la guerre du Bangladesh de 1971 telle qu’elle était, sans réserve. Le gouvernement voulait une version édulcorée. Les guerres n’aient jamais été des évènements ordonnés, respectant les règles du jeu, c’était quelque chose qu’ils n’étaient pas prêts à envisager. L’histoire vue à travers l’objectif était ce que nous recherchions, ils voulaient que la gloire reste intacte. Certaines images devaient disparaître, a déclaré le ministre. Ne voulant pas nous soumettre à la censure, nous avons retiré l’exposition. Prendre des  tirages d’un musée national à minuit est plus facile à dire qu’à faire. The War We Forgot avait été réalisé par les meilleurs photojournalistes de notre époque, avec des originaux de Don McCullin, Raghu Rai et d’autres grands photographes. Cela a augmenté notre inquiétude. Trouver un emplacement alternatif pour une grande exposition qui devait ouvrir à 15 heures le lendemain était un détail mineur. La galerie du musée national est restée vide le jour de l’ouverture de Chobi Mela I, mais l’exposition a eu lieu. Nous avions réussi.

Chobi Mela continue comme avant. Inflexible au pouvoir.

C’est comme ça que nous avons toujours fait. Contre toute attente, face à la tempête, le vent sur notre visage. Et nous l’avons fait avec panache. En dépit de la violence dans les rues et d’un effondrement total de l’ordre public, en dépit d’un gouvernement intérimaire, avec des expositions sur des terrains de football et sur les cotés des pousses-pousses, avec des budgets ridicules et des expositions incroyablement ambitieuses, le monde est venu à Dhaka et Dhaka est devenu le monde. Des expositions en direct et en plein air ont assuré que personne ne serait exclu. Nous nous sommes amusés aussi.Revenant en bateau de Chandpur après avoir dansé toute la nuit, blotti dans des couvertures par un matin d’hiver froid et brumeux, regardant une boule orange se lever à l’est, devait sûrement avoir conduit à beaucoup de romance.

Près de vingt ans plus tard, la photogrphie est loin d’être figée. L’équipe des conservateurs a grandi pour attirer des praticiens venant d’autres domaines, apportant avec eux d’autres sensibilités et ouvrant de nouvelles portes. D’anciens élèves, désormais enseignants, conservateurs et directeurs artistiques, ont pris le pouvoir. Ils ont alliés la vigueur de la jeunesse avec le professionnalisme. Nous nous sommes adaptés et avons improvisé pour renforcer la sécurité lorsque le président a ouvert Chobi Mela VIII, mais jamais, jamais, nous n’avons fait de compromis sur la liberté éditoriale. Arts plastiques, travail conceptuel et pratique multidisciplinaire jouxtent les pratiques de pointe du photojournalisme et du documentaire qui ont fait la renommée de l’événement. Des noms connus de tous ont partagé les murs avec les nouveaux étudiants. Théâtres abandonnés, palais au bord de la rivière, espaces fait de cubes blancs ont coexisté dans la marmite vivante des arts visuels, recette d’un festival de photos unique en son genre. Des présentations Cordon bleu et des interventions bouillons chauds ont été servies à la même table exubérante.

Quand les temps ont été turbulents, notre audace en a tirer le meilleur. Refusant d’accepter l’impossibilité de réaliser nos ambitions ou de manquer de ressources, nous avons pris des risques, provoquant souvent le courroux des puissants. Cette insistance sur la liberté de penser et de ne pas être d’accord, de déstabiliser avec les images, a caractérisé Chobi Mela. Nous allons nager en amont, naviguer contre les vents, renverser la tendance. Nous resterons insoumis. Notre art ne sera pas lié à des murs immaculés, mais se répandra par les nuits orageuses et animées. Surtout, nous sommes là pour rester.

Shahidul Alam

Directeur du festival

Dhaka, février 2019

 

Chobi Mela X

International Festival of Photography, Bangladesh

28 février – 9 mars, 2019

http://www.chobimela.org/

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#chobimela

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