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Les enfants de la guerre en Hongrie et Pologne par Chim

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Le 10 mars 1948, Chim recevait un télégramme de John Grierson, le directeur adjoint de l’Unicef, qui venait tout juste d’être fondée. Chim – un des quatre fondateurs de l’agence Magnum – recevait une mission spéciale : photographier les enfants européens survivants de la Seconde Guerre mondiale et montrer au public l’action de l’Unicef. L’agence distribuait à ces 13 millions d’enfants le strict nécessaire : du lait en poudre, de la soupe et des chaussures et les faisait vacciner contre la tuberculose et d’autres maladies.

Ce travail est devenu bien davantage qu’une commande. Au lieu de son tarif habituel de 100 dollars par jour, Chim accepta 2600 dollars pour un reportage sur lequel il allait passer six mois et voyager dans cinq pays (Autriche, Grèce, Hongrie, Italie et Pologne) en utilisant 257 films. Il irait bien au-delà d’une illustration du travail de l’Unicef et allait créer un portrait en profondeur des enfants de l’après-guerre en Europe. Les enfants étaient les victimes les plus vulnérables d’un conflit qui avait duré six ans. La plupart d’entre eux n’avaient jamais connu que la guerre. Ils avaient passé leurs premières années dans des abris souterrains, des rues bombardées, des ghettos en flammes, des trains de réfugiés ou des camps de concentration. Ils avaient grandi dans un monde de terreur.

Cette exposition est centrée sur le travail de Chim en Hongrie et en Pologne (40 photos faites en Hongrie et 10 en Pologne). Je me suis penchée sur les planches-contacts de Chim et j’ai trouvé un bon nombre d’images qui n’avaient jamais été tirées jusqu’ici.

En Hongrie, Chim s’est particulièrement intéressé aux expériences sociales conduites avec des enfants et des adolescents. Dans un lycée de Szeged, les professeurs, qui n’avaient pas de matériel de laboratoire à leur disposition pour leurs cours de physique-chimie, ont improvisé en utilisant pour récipients des ampoules, des bouteilles d’encre et des boîtes de conserve. Ils ont fabriqué une balance avec des poids en fil de fer et des becs Bunsen avec des bouteilles d’encre.

La ville de Hajduhadhawz fut le siège d’une remarquable expérience d’autonomie : 350 garçons et filles, orphelins, vagabonds ou délinquants, ont tenté de vivre en auto-suffisance dans un camp qu’ils considéraient comme leur foyer. Ils élisaient leur propre gouvernement, cultivaient les champs pour faire pousser leur nourriture et imprimaient leur journal.

Chim a photographié l’intensité et la concentration des expressions des enfants : leurs visages semblent ceux d’adultes. Ce sont des jeunes qui n’ont pas eu d’enfance et qui veulent rattraper les années qu’ils ont perdues. En Pologne, Chim a souvent photographié des enfants juifs orphelins. A Varsovie, il a découvert à côté du ghetto détruit un lycée encore intact. Il a suivi les écoliers qui faisaient route à travers les ruines. Dans un institut pour enfants perturbés à Varsovie, il a fait sa célèbre photo de Tereska : quand on lui a demandé de dessiner sa maison, elle n’a pu que tracer un grouillement de lignes qui exprimaient son profond traumatisme. A Otwock, près de Varsovie, Chim a pris des photos à Dom Diecka, un orphelinat qui s’était établi dans les locaux de la pension Zacheta, que tenait sa tante avant la guerre et où il avait passé toutes ses vacances d’été quand il était enfant. Il a aussi photographié au sanatorium Zofiowka, un hopital pour enfants tuberculeux. Ses images dynamiques des enfants faisant de la gymnastique ont été prises en hauteur, dans le style du Bauhaus.

Avec ses photos, Chim a sans doute tenté de faire appel à la conscience du public pour qu’ils comprennent la situation des enfants. Il venait lui-même d’apprendre la mort de ses parents, exécutés par les Nazis. Ce sera son dernier voyage en Europe de l’Est, la dernière fois qu’il arpenta le territoire de la guerre. Les problèmes dont Chim traite dans ses photos de 1948 sont encore d’actualité aujourd’hui. Les enfants demeurent les principales victimes des conflits dans le monde entier et encore plus nombreux aujourd’hui qu’à son époque. Son travail est un sobre rappel de la situation critique des plus vulnérables d’entre nous. Comme l’a dit son ami Cartier-Bresson : « A l’époque, ce n’est pas de photo que nous parlions, mais du monde. »

Ces photos sont l’album de famille de Chim : cette famille spirituelle restera sa seule famille. L’homme qui aimait les enfants n’en a jamais eu.

Carole Naggar

Chim : Children of War
Du 14 au 30 octobre 2016
Deak 17 Gallery
Deak Ter#17
Budapest, Hongrie

http://www.deak17galeria.hu/en

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