En 2015, l’Institut Moreira Salles (IMS) reçoit dans ses collections plus de 5000 négatifs — formant un ensemble de plus de 10 000 images, avec parfois plusieurs images par négatif — du photographe Chichico Alkmim, encore presque inconnu à l’époque. Photographe de studio du début du XXe siècle, originaire de la petite ville de Diamantina dans l‘Etat du Minas Gerais au Brésil, il en a photographié des années durant les habitants, dressant ainsi un portrait aux mille visages d’une petite ville de campagne brésilienne au début du siècle dernier. L’IMS propose une exposition d’envergure pour révéler le travail d’un photographe qui n’a jusqu’ici eu que très peu de visibilité.
Eucanaã Ferraz, le commissaire de l’exposition, est poète, et a plutôt l’habitude de s’occuper d’expositions en rapport avec littérature. Il a pourtant une idée de pourquoi on lui a demandé d’être le commissaire de cette exposition de photographie, domaine avec lequel il travaille ici pour la première fois. Selon lui, Chichico Alkmim ne faisant pas partie des figures dominantes de la photographie de son époque et on a voulu faire appel à un commissaire qui ne soit ni « évident » ni dominant dans le monde de la photographie . L’enjeu n’était, selon Ferraz, non pas de proposer un regard critique sur la photographie de la part un œil exercé aux images, mais bien de trouver quelqu’un qui saurait être touché par le côté très humaniste des photographies, et le mettre en valeur.
Car les personnes photographiées par Alkmim ont une présence très forte, qu’Eucanaã Ferraz a su capter et révéler. Le commissaire — qui avoue même avoir rêvé la nuit des personnages des photos d’Alkmim pendant les mois qu’il a passés à travailler sur l’exposition — a ainsi choisi de peupler toute une salle de l’exposition de portraits en pied, tirés à très grande échelle, mettant ainsi les spectateurs face à des figures sensiblement de la même taille que lui venant planter leurs regards fixes dans leurs yeux de regardeurs.
Le côté humble et artisanal du travail d’Alkmim est aussi mis en avant, notamment dans cette salle de l’exposition, intitulée « Le Musée de Poche », où sont présenté le matériel de laboratoire utilisé par le photographe pour tirer ses images, quelques tirages originaux réalisés par Alkmim lui-même ainsi que tout un pan de mur montrant ses négatifs sur plaques de verre rétro-éclairés. Les structures sur lesquelles sont accrochés les tirages sont également bien particulières, puisqu’il s’agit de panneaux de bois brut, comme un hommage à Diamantina, ville où, « contrairement à toutes les villes coloniales du Minas Gerais où les ornements baroques sont réalisés en pierre, tout est sculpté dans le bois. Mais également pour rappeler le côté brut, artisanal, de l’œuvre de Chichico Alkmim », explique Ferraz. Sur ces panneaux, les tirages issus des négatifs montrent les combinaisons d’images hasardeuses qui s’y formaient, alors que le photographe divisait en deux, trois, ou même parfois quatre parties ses négatifs pour y faire tenir plus de prises de vue.
Si Ferraz a bien sûr su créer dans l’exposition des ponts entre l’œuvre d’Alkmim et la littérature, il a également décidé d’en créer avec la musique. Une petite salle, joliment nommée « La boîte à musique », accueille des enregistrements d’époque que l’on peut prendre le temps d’écouter en regardant les photographies de groupes de musique et nombreux portraits de musiciens réalisés par Chichico Alkmim.
Chichico Alkmim, Fotógrafo est une exposition résolument humaine et belle dans sa simplicité, à l’image du travail de ce photographe presque inconnu, aujourd’hui révélé à l’Institut Moreira Salles.
Elsa Leydier
Elsa Leydier est photographe et auteure spécialisée en photographie. Elle partage sa vie entre Lyon et Rio de Janeiro.
Chichico Alkmim, Fotógrafo
Jusqu’au 1er octobre 2017
Institut Moreira Salles
Rua Marquês de São Vicente, 476
Gávea CEP 22451-040
Rio de Janeiro
Brésil
http://ims.com.br/ims/visite/exposicoes/chichico-alkmim-fotografo
