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Chicago : Three Routines, de John Gossage

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A Chicago, deux expositions sont consacrées cet hiver à l’œuvre du photographe américain John Gossage. La plus complète,Three Routines, se trouve à l’Art Institute ; la seconde, Two Routines, à la galerie Stephen Daiter. En fait de rétrospective, l’exposition de l’Art Institute présente une juxtaposition de séries passées et contemporaines de l’artiste au sein d’une salle unique. L’accrochage a été conçu par John Gossage lui-même.

Loin de produire un effet de répétition — ce que pourrait sous-entendre le titre —, cette exposition, par la diversité des stratégies, des “routines” photographiques présentées, nous rappelle l’art qu’a John Gossage de créer un récit photographique, une tension mémorielle à partir de situations, de personnages et de lieux très ordinaires.

L’intérêt de cette exposition tient principalement dans la confrontation entre la série la plus récente du photographe, The Guggenheim Project, et d’autres plus connues telles Berlin in The Time of The Wall ou The Romance Industry. The Guggenheim Project a été entrepris entre 2010 et 2014 à l’aide de la prestigieuse bourse de la fondation Guggenheim. John Gossage a parcouru le vaste espace que constitue son pays natal et en a rapporté une série de clichés en noir et blanc. Montées individuellement sur des pages cartonnées numérotées, ces photographies relèvent en partie de l’archive documentaire. Des portraits de citoyens américains sont juxtaposés aux espaces qu’ils occupent ou traversent sans pour autant que soit évoquée une appartenance commune, qu’elle soit spatiale, sociologique ou même culturelle. Dans cette Amérique-là, les symboles nationaux, telle la statue de la liberté, ne forment plus qu’une ombre.

Jusque-là, John Gossage s’en était tenu à des lieux délimités et bien souvent étrangers, qu’il s’agisse de There and Gone sur la plage de Tijuana au Mexique ; Berlin in The Time of The Wall à Berlin ; ou The Romance Industry à Marghera, une friche industrielle située en face de Venise en Italie. Ces séries exposées, en corrélation avec The Guggenheim Project, consacre John Gossage comme un anthropologue de l’ordinaire dont la beauté du travail réside dans l’altération du quotidien par la mise en récit photographique.

Chez lui, les objets, les lieux, les situations photographiés fonctionnent comme des indices, comme des traces pour décrire une histoire en cours ou fonder une mémoire photographique de cette histoire. A Berlin, John Gossage commence dès 1982 une déambulation impossible le long du mur qui sépare la ville en deux. L’architecture brutale, la présence de barbelés et la noirceur de la nuit berlinoise traduisent la tension entre un environnement chargé d’histoires et coupé paradoxalement de ses propres habitants. Dans HeyFuckface, il photographie des endroits isolés, désertés de l’Etat de New York, où la mémoire des lieux est à l’état d’abandon. En Italie, John Gossage expose sur un fond blanc des objets industriels retrouvés à Marghera et réactive une mémoire qui donne à ces objets banals un caractère vivant, souvent absurde, leur faisant même parfois accéder à un statut d’œuvre d’art.

La virtuosité de John Gossage tient aussi à la variété de formes et de styles rencontrés dans son travail photographique. La galerie Stephen Daiter a ainsi choisi de confronter exclusivement deux séries sur ses murs, Pomodori A Grappolo et Berlin. La première série est constituée d’images aux couleurs vibrantes, où la beauté du quotidien résonne comme une étrangeté, à la différence de la seconde, dont la noirceur de certains tirages permet à peine de distinguer leur contenu.

Il ne faut pas s’étonner alors du choix du terme “routine” pour cette exposition. C’est sous la forme d’une routine photographique extrêmement maîtrisée que John Gossage rassemble, enregistre, donne vie, séquence des traces mémorielles ou l’absence de ces traces dans notre monde contemporain. Le seul regret que l’on pourrait avoir en tant que visiteur est l’absence du magistral The Pond au sein de ces deux expositions. Avec cette série constituée de photographies prises autour d’un pont dans les environs de Washington D.C., John Gossage parvenait avec talent à interroger le rapport entre environnement et être humain, entre espace habité et abandonné, à travers un cheminement photographique propre et figuré.

 

EXPOSITIONS
Three Routines, de John Gossage
Jusqu’au 3 mai 2015
Art Institute of Chicago
111 S Michigan Avenue
Chicago, IL 60603
Etats-Unis
www.artic.edu

Two Routines, de John Gossage
Jusqu’au 28 mars 2015
Stephen Daiter Gallery
230 W Superior Street
Chicago, IL 60654
Etats-Unis
http://stephendaitergallery.com

 

 

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