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Charlotte Mano – Thank you mum

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Invitée par le Château d’Eau à participer au programme d’initiative européenne: PARALLEL – European Photo Based  Platform – projet photographique mettant en relation institutions, curateurs et photographes émergents – Charlotte Mano a entamé à cette occasion sa nouvelle série « Thank you mum » qui, après avoir été exposée au festival Organ Vida à Zagreb chez nos membres partenaires, sera présentée à la Galerie 2 du 26 octobre au 6 janvier 2018.
Ce travail traite de la relation fusionnelle d’une mère et sa fille lorsque celle-ci apprend qu’elle est atteinte d’une maladie incurable. Exploratrice de l’image et de l’intime, c’est avec douceur et sensibilité et dans un échange profondément émouvant qu’elle photographie sa mère malade.
Sans cesse à la recherche de nouvelles expériences et de nouvelles écritures photographiques, elle défie, l’image et ses formes pour les rendre sensuelles et troublantes.
Créer et aimer
En 1996, le neurobiologiste italien Giacomo Rizzolatti et ses collaborateurs ont annoncé la découverte des neurones miroirs. L’analyse de leurs fonctions a révélé qu’ils sont impliqués dans les conduites d’imitation et d’émulation, rendant le cerveau capable d’adopter le point de vue de quelqu’un d’autre, nous permettant de socialiser et d’apprendre tout ce que l’environnement nous montre. Ces responsables de l’empathie humaine sont particulièrement actifs durant l’enfance. C’est ainsi qu’un bébé se met à pleurer lorsqu’il en voit un autre pleurer.
L’usage allégorique des neurones miroirs pour l’analyse de certains aspects qui composent l’ADN de la photographie ouvre un espace symbolique qui, d’après moi, permet d’expliquer l’irrésistible pouvoir d’empathie de certaines photographies. Les images collaborent au processus de compréhension du monde et activent notre synchronie avec la subjectivité des autres à travers les échos de nos propres émotions et expériences. Elles contribuent à mettre une distance éthique entre le sujet et sa propre vie. Ce qui nous permet de passer spontanément du moi au nous sans la médiation du jugement.
Un grand nombre d’images créées par Charlotte Mano pour sa série Thank you Mum proviennent de cet espace amniotique qui précède la création. De fait, le dessin qu’enfant elle a réalisé de sa mère est une illustration poignante et éclatante de ce qui n’est pas visible, de ce qui ne l’est pas encore. C’est pourquoi, peut-être, les images de cette série ne s’insèrent pas dans un récit linéaire. Elles sont créées et agencées à la manière qu’ont les poètes de placer les mots dans leurs poèmes, ignorant l’ordre de la syntaxe afin d’aider les mots à s’émanciper de leurs référents et de leurs significations, à acquérir de multiples potentialités sémantiques et expressives.
La douleur de la perte et l’angoisse face à l’irréversible – épicentres émotionnels de ce travail – cohabitent dans cet univers entropique que traversent aussi les retrouvailles et l’amour le plus primaire, celui qui nous unit à qui nous a donné la vie. Il est impossible de déployer ces photographies, ces éclairs émotionnels, dans un ordre chronologique. Pas plus que les souvenirs n’émergent en suivant une ligne temporelle. Charlotte Mano illustre avec une ambiguïté délibérée ces espaces d’indétermination qui situent le présent dans un champ d’intemporalité et font de la mémoire une temporalité pluridimensionnelle : un écho du passé qui résonne sans cesse avec le présent.
Ses images sont riches d’échos, de réverbérations et de rituels dont la morphologie s’ouvre au transvisible , un concept qui représente le passage interstitiel entre l’invisible et le visible, entre ce que nous connaissons et ce que nous ne connaissons pas, entre ce que nous désirons et ce que nous craignons. Un territoire, profondément éloigné du verbal, que nous partageons tous, soit parce que notre expérience émotionnelle l’a parcouru péniblement, soit parce qu’elle est passé à proximité, scrutant l’obscurité insondable de la douleur. Mais on en sort. Et on revient à la vie. Bien que dans l’intervalle il soit nécessaire de prendre congé et de remercier. C’est l’efficacité des rituels, en particulier ceux que nous pratiquons de manière intuitive. Ils nous permettent d’effectuer des actions intelligentes sans en passer par l’intelligence rationnelle. C’est ainsi que Charlotte Mano s’y est pris, rejoignant toutes ces femmes qui nous ont appris à abandonner la pudeur et à laisser s’écouler l’essence des sentiments. Le jugement épidermique que par la suite nous porterons sur les aspects esthétiques de son travail n’a aucune importance. Ce qui est réellement important, c’est la profonde honnêteté du processus.

 

Alejandro Castellote

 

1 Le terme «transvisible» a été inventé par le poète français Serge Venturini (Paris, 1955) dans son poème Le pont franchi du transvisible (2008).

 

Charlotte Mano – Thank you mum
26 octobre 2018 au 6 janvier 2019
Le Château d’Eau
1, place Laganne
31300 Toulousewww.galeriechateaudeau.org

Exposition réalisée dans le cadre de  PARALLEL – European Photo Based  Platform avec le concours du laboratoire Photon

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