Un curieux incurable. C’est ainsi que se présente Yan Morvan, un grand reporter de 56 ans. Il nous parle ainsi de ses champs de batailles.
« Pourquoi et comment photographier la guerre ?
Je me suis posé cette question pendant vingt ans de correspondance de guerre.
Volonté d’informer, participer au mouvement de l’histoire, forcer le destin ?
Alors, comment raconter l’irracontable – les images d’horreur se succèdent aux images d’horreur. La spectacularisation du monde par la télévision, la presse, internet et l’information en temps réel ont entamé notre capital d’empathie et notre faculté à s’émouvoir du malheur des autres.
En 2004, avec une chambre photographique Deardorff 20*25 je commençai une série sur les lieux de bataille. Ces lieux racontaient-ils encore l’histoire ?
Sans céder à l’émotion, je voulais m’adresser à la conscience, montrer à travers des paysages parfois anodins une « géographie » de la démence humaine.
Je souhaitais rechercher une autre façon « visuelle » d’apporter un témoignage et une réflexion sur l’image et la réalité de la guerre.
J’ai commencé à photographier les champs de bataille de France, Verdun où j’ai retrouvé des photos de mon grand-père en uniforme de tirailleur. Puis ceux de l’Europe, notre famille qui s’est si souvent déchirée.
Mon projet est ambitieux, montrer la terre sur laquelle les hommes se sont battus, raconter l’histoire, « tenter » de percer l’homme dans sa vérité, et réfléchir à cette pensée d’Héraclite :
“Le combat est de tous les êtres le père, de tous les êtres le roi; il a désigné les uns comme Dieu, les autres comme hommes, et il a fait esclaves les uns, hommes libres les autres. Il faut savoir que la guerre est commune, la justice une lutte, et que tout devient dans la lutte et la nécessité.”
Plus de quarante champs de bataille ont déjà été photographiés. »
Yan veut encore en photographier une centaine. Il part à la fin de l’année faire ceux du Pacifique.
Texte: Yan Morvan