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C/O Berlin : William Eggleston : Mystery of the Ordinary

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Depuis le début de l’année, l’espace C/O Berlin consacre une exposition d’envergure au photographe américain. Au programme, de vastes espaces, des points de vue singuliers, des automobiles du siècle dernier et du rien, dans lequel se trouve absolument tout.

Avant de devenir l’illustre artisan de la couleur que l’on connaît, c’est en noir et blanc que William Eggleston forge sa vision non-conventionnelle du monde qui l’entoure. Dès les années soixante, cet admirateur de Cartier-Bresson et d’Evans développe lui-même ses pellicules monochromes dans la chambre noire qu’il s’est installé chez lui. Des clichés dans lesquels la forme et tant d’autres choses – comme il se plaît à dire – se mobilisent au service de l’attraction magnétique qu’il porte envers ses sujets. À cette époque, le jeune flâneur arpente Memphis et sa banlieue à la recherche désespérée de captivation, cette même (et unique ?) quête qui semble continuer de l’animer jusqu’aujourd’hui. Depuis bientôt six décennies, William Eggleston, armé de son Leica, brave l’ennui en célébrant la vie à coup d’images.

 

Road trip photographique

La première image en couleur réalisée par Eggleston, celle d’un employé d’épicerie de profil poussant une file de caddies, inaugure le large volet de Los Alamos. Si ce titre fait référence à la ville du Nouveau-Mexique où un laboratoire clandestin développe la bombe atomique, cette série retrace plus largement la virée vers l’Ouest de ce garçon du Sud. Depuis son berceau de Memphis, Eggleston met les voiles vers la Californie en passant par la Nouvelle-Orléans et Las Vegas. Sur son passage, il capture de son œil ardent les signalétiques, les cagettes en plastique, les stations-services, les vitrines ou encore les tables des restaurants – tous ces détails emblématiques qui façonnent la culture américaine et marquent l’avènement de la société de consommation. Des signes auxquels Eggleston impulse sa propre dimension dépassant amplement ce qu’ils sont ou représentent en tant que tels pour en faire des éléments à part entière d’un tableau qu’il compose en 1/500 seconde. La couleur devient alors le formidable vecteur d’une réalité que seul son esprit semble pouvoir capter.

 

Conteur d’un temps perdu

Avec The Outlands, William Eggleston nous replonge dans son cher Memphis à l’aube de sa pratique de la couleur. Des images, réalisées entre 1969 et 1974, qui avaient notamment fait l’objet de la fameuse – et scandaleuse – exposition d’Eggleston sous l’égide du curateur John Szarkowski au Museum of Modern Art (MoMA) en 1976. Si à l’époque cet événement fait couler de l’encre, il participe à dévulgariser la photographie couleur pour l’intégrer au rang des arts dès les années 80. L’opus The Outlands, révélé en 2020, renforce fortement la sélection initiale d’environ 75 tirages présentée au MoMa. De ces clichés que l’on découvre pour la première fois, certains nous parviennent pourtant comme si familiers. Peut-être est-ce la perspective au sol de la Dodge break bleue qui n’est pas sans rappeler celle du célèbre tricycle en couverture du Eggleston’s Guide ? Ou alors ce thé glacé sur la table du bistrot qui résonne avec la légendaire image du soda posé sur la tablette de l’avion avec la paille qui mélange les glaçons ? Quoi qu’il en soit, en saisissant tout un monde qui était voué à disparaître, les photographies de Eggleston apparaissent un demi-siècle plus tard comme un rêve dont on se souviendrait simplement qu’il nous a rendu heureux.

 Noemie de Bellaigue

 

William Eggleston: Mystery of the Ordinary
jusqu’au 4 mai 2023
C/O Berlin
Hardenbergstrasse 22-24,
10623 Berlin
https://www.co-berlin.org/

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