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Bruxelles : Variations, de Francisco Supervielle, chez Contretype

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« Regarder attentivement, contempler et puis se projeter. La photographie n’est pas le miroir du réel. La photographie est l’étendue trompeuse de notre perception du monde. Le terrain s’élargit soudainement quand nous abandonnons le pari sur la capacité de la photographie à rendre compte du monde. Le dialogue se crée et toute image devient la représentation d’un idéal qui est plus prometteur que la réalité quotidienne, telle que nous la percevons. »
Francisco Supervielle

Rencontre :

L’Œil de la Photographie : Pourquoi es-tu venu étudier la photo en Europe ? Et pourquoi veux-tu repartir vivre en Uruguay ?
Francisco Supervielle : A mes 18 ans, je suis parti de l’Uruguay, mais ce n’était pas pour faire des études de photographie. J’ai tout d’abord fait une licence de droit à Aix-en-Provence. C’est à ce moment-là, que je me suis dit que je voulais m’orienter vers la photographie.
Aujourd’hui, après avoir vécu cette expérience, et c’était bel et bien une expérience que je recherchais, il est temps de rentrer, de digérer, de disséquer ces années passées en Europe.


LODLP : Comment envisages-tu ton travail là-bas après ton passage ici ? Quelle différence concrète imagines-tu entre ces deux cultures ?
FS : L’Uruguay est un pays peuplé d’anciens migrants espagnols, italiens et français. Le regard vers le Vieux Continent est celui d’un jeune pays rempli d’admiration et de nostalgie. Cependant, ce temps écoulé en Europe m’a permis de faire un parallèle entre ces deux régions du monde. L’Uruguay est un petit pays, très calme, qui n’a pas l’impact économique et géopolitique qu’ont la Belgique et la France, surtout, mais qui fait l’objet d’une certaine admiration chez les Européens.
Cette expérience m’a beaucoup enrichi et j’espère pouvoir la partager et m’en servir en rentrant.


LODLP : « Photographier. Saisir la transformation », écris-tu. Transformation de toi, de ton regard, de ta démarche, ou d’une réalité que tu captes ?
FS : Comme dit Peter Galassi, « Photography always transforms what it describes. That’s the art of photography, to control that transformation » [« La photographie transforme toujours ce qu’elle décrit. L’art de la photographie est le contrôle de cette transformation »]. Je ne crois pas me transformer avec la photographie, j’ai plutôt l’impression que quelque chose de plus important que moi transcende à travers la photographie. Ce “quelque chose”, c’est la surprise, l’étonnement de voir notre monde avec d’autres yeux. Ces autres yeux sont la photographie.

LODLP : Comment ça se passe quand tu pars avec ton appareil – que cherches-tu dans ces moments-là ?
FS : Je ne pars pas très loin. La photographie est là où l’on veut la trouver. Je n’ai jamais ressenti le besoin d’aller dans un autre pays pour faire des images, car pour moi cela impliquerait que ma pratique serait liée au fait de partir de mon quotidien et je veux éviter ce genre de contrainte. Un édredon envahi par la lumière le matin est autant une source d’inspiration que les calanques de Marseille. Je suis à la recherche d’une expérience sensible.


LODLP : Comment est née cette série Variations et qu’est-ce qui fait le fil conducteur de cette série ?

FS : Cette série d’images est l’aboutissement d’une réflexion selon laquelle un projet photographique peut se construire basé sur une cohérence visuelle, esthétique et sensorielle.  Auparavant, je travaillais sur des thématiques bien précises, par exemple ma série d’images sur l’Uruguay Colección de Silencios ou encore une autre que j’ai faite sur les étudiants universitaires, Campus. Dans ces corpus d’images, je m’étais rendu compte que les photographies m’intéressaient pour ce qu’elles me faisaient ressentir. Le sujet abordé passait presque au deuxième plan. C’est à ce moment-là que je me suis dit que dans le projet suivant je me laisserais une plus grande liberté.

LODLP : Est-ce que tu construis ton sujet, ou est-ce un geste plus impulsif ?
FS : Je construis le sujet et il se construit lui-même aussi. C’est presque comme une figure vivante que l’on nourrit et qui peut prendre des allures inattendues. Ce cheminement est mené dans une certaine urgence ou besoin que je ressens quand je vois quelque chose qui me séduit et que j’ai terriblement peur de rater. La lumière peut être constante et je pourrais avoir tout le temps du monde pour faire une photographie, mais j’appréhende cette séduction comme si elle pouvait s’évanouir ou s’évaporer d’une seconde à l’autre. Ce n’est qu’après le déclenchement de l’obturateur que le calme s’instaure. 


LODLP : Pourrais-tu te passer de photographier ? Et d’écrire ?

FS : Pas pour le moment et j’ignore si cela arrivera un jour. Je ne produis pas énormément non plus, ce qui me permet de prendre mon temps pour m’exprimer. 


LODLP : Quels photographes, ou quels artistes en général, aimes-tu particulièrement ?
FS : J’ai une grande admiration pour les photographes documentaires américains :  Walker Evans, Joel Sternfeld, Robert Adams, Stephen Shore, Joel Meyerowitz, Alec Soth… Cependant, celui qui me saisit le plus c’est sans nul doute William Eggleston. Il a une maîtrise de la couleur qui m’éblouit. Dans cette même lignée, mais plus près de nous, je dirais Christophe Bourguedieu.
Par ailleurs, je trouve une autre grande source d’inspiration dans la musique et ce du côté des compositeurs français du XXe. Debussy et Messiaen me sont très chers par la contemporanéité de leur langage. J’ai parfois l’impression de voir des lignes, des couleurs et des lumières dans ces notes. 


LODLP : Comptes-tu revenir vivre un jour en Europe ?
FS : Je suis également français, et la France est ma deuxième maison. Cela répond en partie à la question, car aujourd’hui je suis dans l’incapacité de donner une quelconque affirmation sur mon avenir, si ce n’est que je suis très heureux de rentrer en Uruguay.

EXPOSITION
Variations

Francisco Supervielle
Jusqu’au 22 mars 2015
Contretype

4A, Cité Fontaine
1060 Saint-Gilles

Bruxelles
Belgique
www.contretype.org
www.franciscosupervielle.com

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