Quand j’ai vu Bruce Davidson il y a trois mois, il me racontait avec un mélange d’amusement et d’inquiétude qu’un dégât des eaux la veille lui avait valu de rincer par accident à l’eau glacée des négatifs qu’il venait à peine de redécouvrir. Ils ont depuis séché et sont saufs, ce dont il n’était pas sûr ce soir-là. Ce sont des images prises à la fin des années 60, à Harlem, East 100th Street exactement, et qu’il voudrait avec le recul inclure dans son copieux reportage sur l’injustice sociale et raciale criante de cette rue démunie de New York.
La galerie Robert Koch présente le travail que Bruce Davidson a produit avant, entre 1961 et 1965, pendant le temps du changement, The Time of Change, pendant ces années ou la ségrégation s’est atténuée dans des rassemblements éloquents. « Changement pour quoi ? », interroge Harlem, East 100th Street, tandis que Time of Change rimait avec espoir. Pendant ces années-là, Bruce Davidson a documenté l’histoire en marche, et notamment La Grande Marche de la Liberté de Martin Luther King à Montgomery, Alabama, entouré d’une foule qu’il enlasse à bras serrés et qui l’abrite en retour sous les étoiles du drapeau américain. C’était en 1965. L’image est si historique qu’une de ces variations était exposée à Paris Photo sous un autre format (gigantesque) et dans une autre galerie, Rolf Art, recouverte des légendes manuscrites de l’artiste argentin Marcelo Brodsky.
Le reportage entier de Davidson est iconique, sur ce temps passé, grâce à une bourse de la Fondation Guggenheim, aux côtés de Martin Luther King dans l’explosion de la mixité. La galerie Robert Koch en a sélectionné les scènes sociales, les rassemblements et les arrestations, mais surtout les conditions de vie, l’incertitude d’une quarantenaire aux cheveux enturbannés accoudée à sa fenetre, la tenacité d’une marcheuse écartelée par des policiers, le dépit de certains regards, l’excitation d’autres, la surprise à bouches ouvertes, la force des contrastes du noir et du blanc quand ces couleurs sont justement au cœur des revendications. « Je ne suis pas intéressé par l’histoire de l’art mais par l’art de faire de l’histoire. Je vois la photographie comme un bien culturel », expliquait-il dans une interview avec Marco Bischof en 2010, peu après la publication par Steidl de Outside Inside, une collection en trois volumes des 800 photographies et 50 années de Davidson.
EXPOSITION
Bruce Davidson
Time of Change: 1961-1965
Jusqu’au 3 juillet 2014
Robert Koch Gallery
49 Geary Street
CA 94108 San Francisco
USA
http://www.kochgallery.com/exhibitions/index.html
http://www.kochgallery.com/exhibitions/davidson_2014/01.html
http://www.magnumphotos.com
http://www.marcelobrodsky.com
http://magnumfoundation.org
