Rechercher un article

Biënnale Internationale de la Photographie Ostende 2023 : Joel-Peter Witkin

Preview

Sur une idée originelle de John Devos, notre correspondent pour la Belgique et les Pays-Bas, la Galerie Bart Ramakers présente Joel-Peter Witkin. 

La relation de la photographie avec les autres arts est complexe et intriguante. D’une part, la photographie peut être considérée comme une forme dérivée de la peinture : les photographes des premières années de la photographie étaient souvent influencés par la composition, l’utilisation de la lumière et l’imagerie des peintres. C’est sous l’aile de la peinture, en quelque sorte, que la photographie a pu se développer en tant que nouvelle forme d’art. D’autre part, l’avènement de la photographie a également eu un impact majeur sur les autres arts. Les peintres, les sculpteurs et les autres artistes étaient confrontés à la question de quel serait désormais leur rôle, maintenant qu’il existait un médium capable de capturer la réalité de manière presque parfaite. Certains artistes ont intégré une approche photographique dans leur propre travail, tandis que d’autres s’opposaient à la représentation réaliste et se concentraient sur l’abstraction et l’expression de l’émotion. L’avènement de la photographie numérique a encore modifié la relation entre la photographie et les autres arts. En bref, la relation de la photographie avec les autres arts est dynamique et évolutive. Cela donne lieu à un jeu fascinant où les frontières entre différentes formes d’art sont de plus en plus floues et de nouvelles possibilités sont explorées.

 C’est précisément ce jeu qui est le thème principal de la Biennale internationale de la photographie d’Ostende 2023, sous le commissariat de Stephane Verheye : (IN)FLUX.

Profanation et vénération

Parmi les 32 artistes participants un maître de l’art renommé et controversé: Joel Peter Witkin. C’était notamment John Devos (ancien professeur Narafi – LUCA School of Arts Bruxelles, critique et curateur indépendant) qui a suggéré l’idée de présenter Joel Peter Witkin à Bart Ramakers, photographe et galériste. Grâce aux contacts de celui-ci avec la galerie Baudoin Lebon à Paris, et grâce à l’enthousiasme de Baudoin, le rêve est devenu réalité. Stéphane Verheye de son coté était immédiatement conquis par l’idée, et a proposé d’organiser une expo parallèle dans le Fort Napoléon, ancienne fortification dans les dunes et siège principale de la biënnale.

Stéphane Verheye: “Joel Peter Witkin a brisé les barrières de la photographie en tant qu’art, tant sur le plan du contenu que de la forme. Il a repoussé les limites du langage visuel en mettant l’accent sur les tabous : mutilation, déformation, souffrance et mort. De plus, il innové la technique de la photographie. Il compose ses images avec une minutie particulière, investissant un temps considérable dans la conception de costumes, d’accessoires et de mise en scène. Toutefois, son travail ne se termine pas une fois la photo prise. L’impression est tout aussi essentielle, et Witkin a élaboré une technique singulière sur deux décennies en grattant et en marquant ses négatifs. Il réalise le tirage à travers un tissu, suivi d’une étape de tonification et de blanchiment, ou bien il colore et scelle la photo avec de l’encaustique. Le résultat peut facilement être confondu avec une peinture. La création et la destruction vont de pair, la profanation et la vénération coexistent comme les deux faces d’une même pièce. L’esprit ludique de Joel Peter Witkin couvre tout le spectre des possibilités créatives, mais en plus, il recycle en permanence des éléments de l’histoire de l’art pour créer de nouvelles histoires et des mythologies qui n’ont qu’une seule logique singulière : la sienne.”

Iconographie religieuse

Quiconque souhaite découvrir l’homme caché derrière cette œuvre se retrouve rapidement plongé dans un enchevêtrement d’histoires fascinantes, toutes aussi crédibles les unes que les autres. Witkin est un conteur hors pair, que ce soit au travers de ses créations artistiques ou dans ses interactions personnelles, témoignant d’une remarquable aptitude à capturer les excentricités de la vie. Joel Peter Witkin : « Certaines personnes pensent que je n’ai  absolument pas de limites morales, mais le contraire est vrai. Ce que je fais est sacré pour moi. C’est une forme d’iconographie religieuse. Je pense que cela manque beaucoup dans l’art contemporain, qui tourne souvent autour de l’escapisme et refuse de voir la dure réalité en face. »

Plutôt que de se limiter à la provocation, Witkin a créé sa propre mythologie, qui impacte non seulement la photographie et l’art, mais également l’ensemble de notre société. Son récit met en évidence la vulnérabilité, la fragilité, la valeur, la beauté et l’amour présents en toute chose et en chacun. Parallèlement il remet en perspective la prétendue toute-puissance de l’homme moderne, de la science et de la technologie.

Transcendence

« En outre, je veux changer notre façon de voir et de penser, » déclare Witkin. Ne lui demandez cependant pas quelle est la meilleure façon de regarder ses œuvres. « La raison pour laquelle certaines œuvres d’art continuent d’exister et la raison pour laquelle j’espère que mon art continuera d’exister, est que le subconscient de l’artiste y est stocké. Une partie qui ne peut être définie. »

Bien qu’il soit très clair sur sa définition (et son amour) de la photographie. « Ce qui fait la force d’une photo, c’est qu’elle se fonde sur le silence, contrairement à un film, par exemple. Un photographe veut saisir quelque chose, le comprimer dans un seul silence. En effet, si vous voulez être honnête avec quelqu’un, vous l’attrapez et vous l’embrassez. Ce silence, ce sentiment, c’est ce qui contribue à la qualité d’une bonne photographie. »

Là ou l’exposition au Fort Napoleon montre un large éventail de son oeuvre dans une scénographie adapté aux possibilités et limitations d’un monument historique, la Galerie Papillon se concentre sur ses oeuvres mises en scène les plus complexes, la plupart au XXI siècle. Là on constate que l’artiste surtout connu pour sa prédilection pour le grotesque et le macabre, avec l’âge devient plus humain – plus léger – en un sens; il commence à aborder des sujets avec plus de nuance et dans ses dernières oeuvres trouve la vraie transcendence.

« À mesure que je vieillis et que mon esthétique évolue, le travail devient plus complexe, » déclare Witkin. « Il ne peut pas devenir plus difficile que ça. » A part des oeuvres, l’expo Staging Stories montre des études, esquisses, collages, annotations, accessoires qui figurent dans les photographies – et donnent ainsi un rare aperçu du processus créatif du maestro.

Le catalogue de l’expo Staging Stories dans la galerie Papillon (Nl – Fr – Ang) donne une vue d’ensemble de la vie et de l’œuvre de l’artiste, indissociables selon lui.

 

Biënnale Internationale de la Photographie, Ostende
Septembre 16 – Novembre 12 2023

Joel Peter Witkin au Fort Napoleon
Vuurtorenweg 13, Ostende
Mardi – Dimanche 10 – 18h

 Joel Peter Witkin : Staging Stories
Galerie Papillon
Madridstraat 2 (coin Marie-Joséplein, première étage), Ostende
Mercredi – Vendredi 14 – 18 h
Samedi – Dimanche 11 – 18 h

www.fotobiennale.be/fr
www.galeriep.be

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android