La galerie de la bibliothèque Edmond Rostand présente jusqu’au 2 mars 2025 une exposition d’Olivier Pasquiers intitulée Paysages hors du temps. Elle est accompagnée de ce texte :
Paysages hors du temps
Réinventer la photographie
Cette série d’images est le prolongement d’une recherche entamée il y a deux ans à l’aide de ce dispositif atypique qu’est la camera obscura numérique. Un dispositif hors du temps, une alliance entre l’outil des peintres utilisé à partir de la moitié du seizième siècle et l’appareil numérique enjambant tous les procédés argentiques.
Dans mon processus de prises de vues pas de négatif argentique, mais un écran, une feuille de plexiglass dépolie au papier de verre, sur lequel se forme l’image : c’est lui qui va être photographié.
Au-delà des paysages réels
Cette approche est une nouvelle manière de photographier le réel, pour retrouver le geste de la main en intervenant directement sur l’écran, support de l’image encore virtuelle. A chaque prise de vues un dépoli différent, unique, qui est préparé, griffé, sur place en fonction du choix du sujet. Je poursuis en cela l’exemple de ce que certains artistes ont recherché tout au long de l’histoire de la photographie, en intervenant sur les négatifs avant le tirage.
Une façon de séparer le paysage réel de son présent objectif, à l’inverse de ce que j’obtiendrais si j’utilisais un boîtier classique devant le même sujet. Une façon de créer des paysages-temps, comme un « retour vers le futur » pour provoquer une interrogation sur l’objet même tout autant que sur sa représentation qui reste pourtant photographique.
Interroger les paysages
Avec cette chambre grand format, j’arpente les paysages, les lieux patrimoniaux (historiques ou naturels), les lieux de mémoire, mémoire collective ou mémoires personnelles de celles et ceux que je sollicite parfois pour qu’ils et elles me mènent photographier leurs paysages-d‘émotions. Un dispositif qui une fois installé, dans l’espace public invite à la discussion et à l’échange.
Le retour de la main
Dans ce processus de création il s’agit d’un retour de l’action de la main directement sur l’image avant qu’elle n’ait acquis son statut de photographie.
Car si le support photo-sensible (argentique ou numérique) est la surface sur laquelle s’enregistre l’image, elle reste virtuelle, «invisible» en plein jour tant qu’elle n’est pas révélée chimiquement ou traitée numériquement, postérieurement au déclanchement. C’est seulement une fois fixée, qu’il devient possible d’intervenir manuellement sur le négatif ou numériquement sur le fichier. Mais qui irait griffer la surface sensible avant la prise de vue ?
L’appareil numérique n’intervient ici que pour fixer l’image après le choix du cadrage et les réglages faits. Je ne l’utilise que comme l’outil d’enregistrement définitif de la scène, aboutissement de plusieurs siècles siècles de recherches depuis les premières expérimentations de Giovanni Battista della Porta, à Naples en 1589, le premier dont on ait la trace dans les textes à avoir utilisé les lentilles de verre pour projeter une image sur un écran(*), en passant par la formidable invention de Nicéphore Nièpce, jusqu’aux pixels aujourd’hui.
(*)La camera obscura immobilis, ou les origines « mouvementées » de la photographie, Presse Universitaire du Septentrion (https://books.openedition.org/septentrion/46706)
Olivier Pasquiers : Paysages hors du temps
jusqu’au 2 mars 2025
Bibliothèque Edmond Rostand
11 rue Nicolas Chuquet
Paris 17e
https://www.paris.fr/lieux/mediatheque-edmond-rostand-1741