La maison d’édition Steidl, publie un livre attendu car étonnant. En raison de l’originalité du propos, d’une part, sur une des îles – pépite – trop mal connue de l’archipel du « Vanuatu » ex-Nouvelles Hébrides – et par la beauté, d’autre part des images d’un photographe talentueux amateur mais visiblement doué : Bernard Sabrier .
Fasciné dès l’âge de huit ans par le Rolleiflex de son père, manipulant le cache du viseur pour y projeter déjà son rêve de reporter, le jeune Bernard n’a de cesse d’acquérir les boîtiers les plus utiles de chaque époque, Polaroid, Leica, Canon comme autant de nobles outils pour assouvir sa passion de la photographie.
Ses nombreux voyages lui donnent l’opportunité d’exercer son œil, au point de faire de sa rencontre avec les habitants du Vanuatu la preuve d’un talent maîtrisé, incontesté . Car depuis 2008, date de son 1er reportage, pourrait-on dire, au milieu d’une tribu du Nord Vanuatu, ses images ne traduisent que l’humble volonté de se faire accepter. Pour mieux vivre, parmi les hommes, les femmes et les enfants l’intensité des rites initiatiques et les traditions du quotidien.
Alternant – paysages idylliques au bord des plages dont s’éloignent pirogues à balancier avec de surprenantes voiles de feuilles, cadrages en plan -américain, sur un regroupement d’hommes coiffés de casques surmontés de poissons en bois avec sculptures et peintures de flèches de toute part, à même le rivage, Bernard Sabrier excelle aussi dans l’art du portrait serré, qui rythme la belle maquette de l’ouvrage comme autant de scènes vécues. Les doubles pages des femmes, battant en rythme endiablé l’eau de la water-dance et water song, succèdent aux « close-up » de visages d’hommes, feuilles entre les dents pour éviter de parler et trahir les secrets des grades à conquérir.
Le jeune homme qui dés l’âge de 18 ans a voulu franchir l’Hindu Kush pour aller jusqu’à Kabul assister à un bouzkachi , sur les traces de Joseph Kessel, son mentor, a toujours été préoccupé par la « découverte de l’autre ». Sans souci aucun de frontières intérieures ou extérieures à tout un chacun, pour honorer en aventurier des temps modernes, l’exemple paternel. Dès 2008, une fois débarqué à terre sur une île du Nord, c’est avec le souci d’y revenir au plus vite que le photographe a voulu dès 2009 compléter le tableau d’une société fière de ses croyances et traditions ancestrales.
« Les images de ce livre » , confie Bernard Sabrier, « ont été prises par un petit garçon de 55 ans, émerveillé par la découverte d’un peuple aux traditions pérennes , à l’accueil chaleureux mais veillant d’un soin jaloux à préserver ses secrets. Ces secrets, je n’ai jamais voulu tenter de les percer, ils lui appartiennent. »
Homme de conviction, très humaniste dans l’âme et acteur humanitaire, inlassable, incontournable dans notre monde en permanente révolution, Bernard Sabrier a toujours pris soin de faire de sa démarche photographique – un objectif pour « transcender le sujet ». Jusqu’au fin fond du Pacifique Sud, ses images font du Vanuatu le théâtre vertueux d’une ode au respect coutumier d‘une humanité qui est aussi la sienne.
Sans cliché aucun, ni tabou mais avec un sens total des Totem, tel l’homme qui atteint le grade le plus élevé regardant en face Bernard Sabrier, complice d’un grand moment de rite communautaire.
Dans l’œil d’un photographe amateur, qui a l’étoffe d’un vrai professionnel, pour avoir réalisé aux fins fonds de l’archipel du Vanuatu des images providentielles, appartenant désormais au patrimoine local et universel.
Alain Mingam
Bernard Sabrier : Vanuatu
136 pages
Hardback / Clothbound
24 x 30 cm
English / French
ISBN 978-3-86930-258-4
€ 38.00 incl. VAT