La femme en démente. En figure grotesque — la face cachée primitive que la société efface mais qui laisse la trace la plus manifeste. La femme qui est perturbée est perturbante par son manque de grâce féminine. Celle qui nous rappelle Kali, la déesse hindoue de la destruction, celle qui évoque Médée, Méduse, les gorgones et les monstres de jadis. L’archétype d’une femme qui détruit plutôt que créer, qui libère les démons dans ce monde comme Pandore ouvrant sa boîte, c’est l’un des nombreux modèles de femme que Cindy Sherman nous présente.
N’étant pas de ceux que la difformité met mal à l’aise, Cindy Sherman peut produire un travail aussi révoltant que magnifique. Dans Cindy Sherman: Untitled Horrors (Hatje Cantz), nous pouvons découvrir les ténèbres qui reposent sous la surface, l’obscurité qui menace de se révéler en rampant au dehors. Le livre est le catalogue d’une exposition du même nom qui a été présentée au Moderna Museet, à Stockholm, au musée Astrup Fearnley à Oslo et au Kunsthaus Zurich en Suisse.
On trouve disséminée dans ce volume une série d’essais d’auteurs contemporains phares comme Kathy Acker, Sibylle Berg, Miranda July, Karl Ove Knausgard, Lars Norén, Sjón, et Sara Stridsberg. Ils offrent un complément écrit aux formes visuelles, fournissant une réponse esthétique au catalogue des horreurs de Sherman. Comme Stridsberg le note élégamment : « Les photos de Cindy Sherman ont un effet troublant sur moi, elles me traversent comme une tempête, elle ouvre quelque chose devant moi et en moi, une chose à laquelle je ne peux pas faire face ; elle retourne les racines des arbres majestueux dans la forêt et dévoile leurs dessous grouillants : les racines, la terre, les insectes, l’obscurité. Elle massacre, elle mutile, elle déchiquette. »
Ce sont les reliefs de ce massacre que Sherman nous offre ici dans une collection de photographies aussi douloureuses à regarder qu’elles sont brillamment composées. La compréhension que Sherman montre de la brutalité va avec son génie de la suggestion, qui nous offre un écran où projeter nos peurs, nos présupposés et nos certitudes concernant la part d’ombre de la forme féminine.
http://www.hatjecantz.de/cindy-sherman-5385-1.html
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