Lors de la sortie du volume III du Livre de photographies : une histoire, le BAL organisait ce samedi une séance de dédicace accompagnée d’une rencontre avec les auteurs du livre. Diane Dufour, directrice des lieux, et Sébastian Hau, responsable de la librairie, animaient ensemble la discussion avec Gerry Badger et Martin Parr, et avaient fait le choix non pas de présenter l’ouvrage dans son ensemble, mais d’en proposer une sélection de dix livres choisis. Jouant le jeu devant un écran affichant les couvertures des différents ouvrages, les deux acolytes commentaient un à un leur choix suivant le chapitrage établi du livre.
Libya Jamhiriya (1981), commandé par le ministère des Affaires Culturelles de la Libya Jamhiriya, est le premier à figurer à la liste. Retenu pour son exemplarité des qualités inhérentes aux ouvrages de propagande, il ouvre un chapitre très fouillé sur l’importance du livre dans l’histoire des idéologies. Viennent ensuite deux éditions liées à la protestation : Complete Photo story of Till Murder Case (1955), d’Ernest Withers et Sanrizuka 1969-1971, (1971), de Kazuo Kitai, relevant pour l’un de la question des droits de l’homme, et pour l’autre de la résistance face à l’oppresseur. Leur particularité proviendrait pour le premier du témoignage inédit dont le livre se fait le porte-parole, et pour le second, du fait qu’il atteste de la fin d’un combat.
La Festa del Parco Lambro (1978), de Franco Ortoloni, revient sur la libération sexuelle de la génération Woodstock en Italie. Outre son effet plastique psychédélique et ses photos imprimées sur fond coloré qui en font incontestablement l’originalité, il est représentatif d’une quête du plaisir à une époque où liberté ne va pas sans violence.
Les deux prochaines publications sélectionnées correspondent au chapitre de « La vie moderne ». Open See (2009) de Jim Goldberg, parce qu’il s’apparente dans sa conception à un récit multimédia en faisant intervenir librement et directement sur l’image les sujets qu’il photographie, et Gomorrah Girl (2011), de Valerio Spada, pour la cohabitation formelle et thématique de deux histoires parallèles au sein d’un livre entièrement autoédité.
Parfaite illustration de la « personnalisation de la photographie documentaire de ces soixante dernières années », la monographie In History (2008), de Susan Meiselas, avec ses textes manuscrits et ses coupures de presse, préfigure, selon Gerry Badger, ce que sera le livre photo de demain. Le thème de « l’identité » ensuite est évoqué à travers la dualité indissociable du récit de Sabine (2004), de Jacob Aue Sobol. En filigrane, c’est le « contrat que le photographe a passé avec son sujet » qui a retenu l’attention des deux photophiles. Le « souvenir » enfin est principalement ce qui se trame derrière Rachel, Monique (2012), de Sophie Calle, et que Badger cite comme référence dès lors qu’il souhaite établir une distinction entre la « personnalisation » en photographie et celle qui parvient à s’en dégager. Il aura été souligné, par la même occasion, la subtilité du gaufrage des textes et du vernis des instantanés, qui place l’ouvrage irrémédiablement du côté du livre d’artiste.
La sélection se clôture avec un ovni, laissant présager de la suite : The Great Unreal (2009), du couple de photographes Taiyo Onorato et Nico Krebs. Ce petit joyau de créativité prend tout son sens dans ce dernier chapitre consacré à « la représentation et re-présentation » en photographie. Inspirées du road trip américain, les images procèdent de montage visuel, s’amusant alors à flouter les frontières entre réalité et trompe-l’œil.