ATELIER 41 appelle à communiquer sur les premiers selfies, préparant un numéro thématique avec des investigations sur les possibles premiers autoportraits photographiques, couvrant la première décennie de la photographie, 1839-1848
Depuis la proclamation de l’invention de la photographie, la plupart des opérateurs étaient curieux de voir le reflet correct dans l’œil d’argent. Mais toutes ces réflexions n’ont pas été conservées ni correctement transmises. Au cours de la première décennie de fièvre photographique, 1839-1848, la plupart des autoportraits étaient sur plaque métallique daguerrienne et quelques-uns sur papier. L’identification et la datation sont des défis intéressants, une cinquantaine d’enquêtes seront divulguées lors de la prochaine Biennale di Senigallia, été 2023.
Robert Cornélius (1809-1893). Autoportrait, Philadelphie, octobre-novembre 1839. Daguerrian 1/6th plate, 90×69 mm (Library of Congress)
« Vers octobre 1839, à l’âge de 30 ans, Cornelius a pris un autoportrait à l’extérieur du magasin familial. Le daguerréotype produit est un portrait décentré de lui-même avec les bras croisés et les cheveux ébouriffés. » (lien d’accès à la page de la Bibliothèque du Congrès)
La France a proclamé l’invention de la photographie, mais les USA ont inventé le selfie. Cette planche daguerrienne de Cornélius est considérée comme le premier autoportrait photographique, néanmoins le candidat suivant a encore des partisans :
Henry G. Fitz, Jr. (1808-1863), Autoportrait, Baltimore (Maryland), soi-disant octobre 1839. Plaque daguerrienne faite maison, 80×60 mm Smithsonian, collection du National Museum of American History.
Des recherches intensives en Amérique ont documenté cette plaque, mentionnée pour la première fois dans le journal du père d’Henry Fitz au début de 1840. « Fitz a préparé la plaque de cuivre utilisée pour le daguerréotype dans son atelier à l’aide d’un marteau sur une enclume polie et l’a scellée dans un cadre en laiton. » ( accéder au Smithsonian)
Hippolyte Bayard (1801-1887). Autoportrait en Le Noyé, (détail, retouche numérique). Paris, 18 octobre 1840. Positif direct (procédé Bayard), 138×127 mm, Collections de la Société Française de Photographie
La date est sur Bayard longue légende au verso d’une des trois versions de l’autoportrait conservée à la SFP, traduite : « … le cadavre du monsieur que vous voyez ci-dessous est celui de M. Bayard, l’inventeur du procédé que vous que vous venez de voir et dont vous allez voir les merveilleux résultats. A ma connaissance, il y a environ trois ans que cet ingénieux et infatigable chercheur s’est occupé de perfectionner son invention. L’Académie, le Roi, et tous ceux qui ont vu ses dessins, qu’il trouvait imparfaites, les admirait comme vous les admirez maintenant. Cela lui a fait beaucoup d’honneur et ne lui a pas coûté un sou. Le gouvernement, qui avait trop donné à M. Daguerre, a dit qu’il ne pouvait rien pour M. Bayard et l’infortuné se sont noyés ! Oh ! instabilité des choses humaines ! Les artistes, les savants, les journaux se sont occupés de lui depuis longtemps et maintenant qu’il est exposé à la Morgue depuis plusieurs jours, personne ne l’a encore reconnu ou l’a réclamé ! Messieurs et Mesdames, passons aux autres, de peur que votre odorat ne soit affecté, car le visage et les mains du monsieur commencent à pourrir, comme vous pouvez le voir… » (Lien d’accès à la page SFP)
En 2002, Tania Passafiume publie la re-création du procédé Bayard sur papier et expose plusieurs problématiques sur les différents aspects et qualités de la série Le Noyé. (lien d’accès à la traduction française de son article)
Pierre-Ambroise Richebourg (1810-1875), Autoportrait, Paris, 1er juillet 1841 (collection particulière) Cette plaque a été retrouvée il y a 60 ans au Laboratoire photographique de Petiot-Groffier, où 30 ans plus tard une longue lettre manuscrite envoyée par Richebourg à Petiot-Groffier a été mise au jour, donnant de nombreux détails importants, finalement publiée en 2009 : « Selon ma promesse, je joins mon portrait réalisé à 1 heure de l’après-midi le jeudi 1er juillet 1841. En 7 minutes à l’ombre par un temps trop clair pour me permettre d’ouvrir les yeux… Cela lui donne un aspect peu flatteur car j’ai l’air très J’ai placé plusieurs catalogues pour que vous puissiez vous familiariser avec tout ce qui est nécessaire à l’exploitation de la science. N’oubliez pas de marquer si vous devez tout écrire en anglais.« (accès à la publication en ligne)
Fortuné Joseph Petiot-Groffier (1788-1855), Autoportrait, les Alouettes, été 1841, Châtenoy-le-Royal près de Châlon-sur-Saône. Demi-assiette daguerrienne, 162×110 mm (proposée aux enchères à Paris, Artus, le 18 mars 2022)
C’est un autoportrait singulier de quelqu’un qui a connu Nicéphore Niepce. On peut voir quelqu’un qui l’a vu. Très intéressé par son invention, Petiot fit deux tentatives, d’abord en 1841 avec l’aide de Richebourg, puis douze ans plus tard sous la direction de Ferrier et Baldus. L’identification fut confuse pendant cinquante ans, esquissée dans le bon sens après un conseil de M. Lesage, se rapprochant lorsque quelques portraits poivrés d’un M. Petiot plus âgé devinrent accessibles. En toute logique, Petiot-Groffier avait suivi les instructions de Richebourg après avoir reçu son autoportrait daguerrien, les yeux fermés. (Lien d’accès au catalogue des enchères Artus)
Joseph-Philibert Girault de Prangey (1804-1892). Autoportrait, probablement Paris, certainement 1841. Daguerrian 1/2 planche, 120×95 mm (pas de localisation, vendu chez Christie’s, 2010)
Il existe plusieurs autoportraits daguerriens à variantes proches de la même pose, dont un à la Bibliothèque nationale. « Girault de Prangey a été initié au daguerréotype en 1841, probablement à Paris. Les premiers daguerréotypes qu’il a réalisés et imprimés sur des plaques cette année-là étaient en effet des vues de monuments parisiens : cathédrale Notre-Dame, Tuileries, tour Saint-Jacques, et la fontaine de le Château d’eau. Malheureusement, faute de documents, nous ne savons pas de qui il a pris des cours ; on peut au moins supposer qu’Hippolyte Bayard, un ami de Jules Ziegler, aurait pu être son initiateur… » ( Sylvie Aubenas, La redécouverte d’un précurseur, INHA)
Stanislas Ratel (1824-1904). Autoportrait, Paris, dit 1843. Planche daguerrienne 1/4, 101×75 mm (avec partenaire photographe Choiselat). ( (pas de localisation, vendu chez Binoche & Giquello, 2012)
Stanislas Ratel et son ami proche Charles-Isidore Choiselat (1815-1858) ont réalisé de nombreux premiers daguerréotypes de Paris, à partir de 1841, ainsi qu’un certain nombre de portraits d’eux-mêmes, qui peuvent être comparés à des autoportraits.
Identifié comme Henri Victor Regnault (1810-1878), Autoportrait, probablement Paris, ca. 1843 (en consignation)
Accès direct à la procédure d’enquête
Albert Stapfer, Autoportrait daguerrien, Talcy, ca. 1845-1848. Centre des monuments nationaux (lien vers daguerréobase)
Stapfer était un riche amateur, ami de Mérimée, l’un des premiers opérateurs du daguerréotype, qui ne se laissa jamais décourager par les obstacles rencontrés par la nouvelle invention. Cette lettre du 14 août 1841, écrite par Mérimée à Stapfer, a été retrouvée : « Mon cher ami, je suis plus qu’à moitié découragé par le daguerréotype, car hier on m’a montré des vues de Damas et de Saint-Jean d’Acre si laide qu’ils ressemblent à Pantin. On me dit aussi qu’il faut un mois de pratique pour apprendre à se servir de l’instrument. Cependant, j’essaierai de vous voir demain avant une heure pour en discuter avec vous. N’attendez pas une minute. J’ai tant de soucis à quitter que je ne suis pas maître de mon temps. Adieu, mon cher ami, je suis très heureux d’apprendre que vos gros soucis sont passés. P. Mérimée ».
Identifié comme ROBERT ADAMSON (1821-1848), Autoportrait, négatif papier, Edimbourg, ca. 1845 (sera présenté aux enchères à Paris, Artus, 18 mars 2022, lot 6)
(Lien d’accès au catalogue des enchères Artus sur interencheres)
transformation numérique du négatif précédent
WORK IN PROGRESS, ATELIER 41 prépare un projet sur les premiers autoportraits photographiques qui deviendra une exposition lors de la 3e Biennale di Senigallia, été 2023.
Le 3 décembre 2013, l’Atelier des Icones a lancé une réflexion en langue française sur les premiers autoportraits photographiques consultable en ligne ici : https://histoirevisuelle.fr/cv/icones/2865
Cet article a été publié pour la première fois dans ATELIER 41
www.atelier41.press
ATELIER 41 est une revue technique consacrée à l’histoire de la photographie, une publication périodique sur papier et sous forme numérique, destinée aux amateurs, collectionneurs et professionnels qui s’occupent de l’analyse, de l’expertise, de la certification et, en général, du traitement d’archives photographiques et tirages photographiques anciens.
ATELIER 41 reçoit les contributions et suggestions dans toutes les langues, l’appel à communication se trouve après la page 100 et les propositions peuvent être envoyées à : [email protected]