C’est un très beau et rare moment que nous avons vécu à Arles ce week-end. Cet instant où tout semble possible, où tout bouge, où tout se rassemble et que l’immobilisme, qui prévalait jusqu’alors, se fracture.
Vendredi, c’était l’ouverture de la Fondation Van Gogh par le mécène suisse Luc Hoffmann, par ailleurs depuis des décennies le philanthrope écologique de la Camargue. La Fondation est maintenant un endroit sublime grâce aux architectes Guillaume Avenard et Hervé Schneider, et où sont montrés une dizaine de tableaux du peintre maudit prêtés ou loués pour l’occasion.
Le samedi, ce fut l’inauguration de l’exposition Solaris Chronicles, destinée à faire connaitre aux Arlésiens les plus significatives réalisations de l’architecte Frank Gehry, le maître d’œuvre du gigantesque chantier des ateliers de la SNCF.
Une heure plus tard, ce fut enfin la pose de la symbolique première pierre qui transformera les chantiers et Arles en un centre d’Arles contemporain unique en Europe. Pour Maja, la fille de Luc, qui est à l’origine du projet avec sa fondation Luma, c’est un combat de 10 ans qui aboutit enfin.
Il y eu des moments émouvants : le discours de Rolande Schiavetti, la femme du maire communiste de la ville, elle-même fille de cheminot. Elle parla de la joie de son père de voir renaître enfin ces friches industrielle. Derrière elle, dix vétérans cheminots du combat syndical émus aux larmes applaudissaient à tout rompre. Il y eut des moments étonnants : le discours du député local socialiste Michel Vauzelle, louant l’alliance des communistes, des socialistes et du grand capital philanthropique suisse pour transformer la ville. Il y eut des moments comiques : celui où la fanfare locale joua La Cucaracha pour succéder à une composition de Pierre Boulez. Il y eut des moments insolites : retrouver tout au long de ces vernissages une foule aussi hétéroclite qu’enthousiaste, les habitants d’Arles, le nec plus ultra de la création contemporaine, les grands partons de l’Art de la Suisse alémanique et des personnalités comme la Baronne Marion Lambert, Franz Wassmer, le commissaire priseur Simon de Pury, les galeristes Barbara Gladstone, Thaddaeus Ropac et Eva Presenhuber, des directrices d’institutions culturelles telles que Suzanne Pagé et Beatrix Ruf ou encore le directeur de la Tate Gallery de Londres, Nicholas Serota.
Il y eu une sublime réception à l’église des Frères Prêcheurs, un somptueux déjeuner aux Alyscamps, un after hour au Galoubet, le meilleur restaurant de la ville, où jusqu’à 6 heures du matin les assistants de Franck Gehry dansèrent sur les tables. Plus personnes ne se souciaient des querelle internes, des souvenirs du passé, des 200 000 € donnés au directeur sur le départ, des démissions annoncées reprises et réannoncées par le président des Rencontres qui brilla par l’impolitesse de son absence.
Des quatres candidats retenus à la direction du prochain festival et dont le choix final sera annoncé le 16 avril : Christine Ollier, François Cheval, Sam Stourdzé et Julien Frydman, seul ce dernier était présent.
Il faisait beau ce week-end à Arles. Lucien Clergue revivait, Maryse Cordesse était radieuse, c’était formidable de vivre ce moment, dans cette ville ressuscitée.
Un maire communiste, un député socialiste, une grande famille suisse : c’était le parfait front républicain !
Pour devancer quelques pervers tourmentés, je tiens à préciser que Maja Hoffmann est l’une des marraines de L’Œil de la Photographie. Elle ne le serait pas, j’aurais écrit ce même texte.