Celui qui se met en quête d’infini ou de transcendance ne trouvera pas son lot au milieu de voyages en bus, à la sortie du stade, à l’embarcadère de la Mersey ou dans les vestiaires des chantiers navals. Quant à celui qui recherche une logique déterministe, un propos sociologique et politique de l’Angleterre, il pourra trouver ça et là des informations visuelles sur une période et un espace déterminés. Grâce à Tom Wood, on échappe aux stéréotypes auxquels une certaine photographie documentaire britannique nous a habitués.
L’œuvre forte de plusieurs séries, désormais « historiques », nous plonge dans l’atmosphère de l’Angleterre thatchérienne et post-thatchérienne. Depuis longtemps déjà, un vent mauvais avait commencé à souffler sur Liverpool.
Et, au moment où Tom Wood intervient, il souffle encore, brutal. Une suite d’événements, comme la fermeture des chantiers navals, qui en s’ajoutant et se répétant, dresse un tableau cohérent d’un univers particulier, d’une époque, une guerre de classe, dont il ne restera bientôt plus que quelques traces et des portraits d’une rare noblesse, des portraits débarrassés du pathos héroïque. Il n’a jamais été facile pour la photographie de sortir de l’héroïsation. À trop vouloir ériger en attitudes allégoriques, donc irréelles, la condition humaine, la photographie a parfois instrumentalisé le malheur et les peines.
Elle a, de fait, sous-évalué les singularités, souvent plus porteuses de sens. Dans la volonté d’affirmer des principes photographiques, vouloir contracter une alliance « morale » avec une communauté de « petites gens », avec « le petit peuple », relève encore du défi et même de la provocation. Ce défi, Tom Wood l’a relevé sans discontinuité libérant l’empathie photographique du purgatoire où elle végétait.
L’Irlandais Tom Wood (né en 1951) prend des photographies presque tous les jours. Après avoir étudié les beaux-arts à l’école polytechnique de Leicester de 1973 à 1976, il s’installe avec sa famille dans le Merseyside en 1978. Fasciné par le cinéma expérimental, il prend alors le parti de la photographie qu’il découvre seul. Un autodidacte donc qui restera fidèle à la chimie, au papier et à la chambre noire, un expérimentateur forcené de la technique, de la plus simple à la plus élaborée (du film périmé au panoramique).
C’est muni d’un Leica 35 qu’il arpente Liverpool et les rives de la Mersey entre 1978 et 2001 et prend le parti de dresser un portrait de la ville et de ses habitants : rues, pubs, clubs, marchés, chantiers, parcs ou encore stades de football. Ce portrait sans arrière-pensées des couches populaires au milieu des grandes friches industrielles et des terrains vagues configure un œuvre sans égal dans la photographie contemporaine.
Le travail de Tom Wood a fait l’objet de plusieurs expositions personnelles. En France, il a été montré dans des festivals, dans le cadre de la Galerie Sit Down ou encore au Centre photographique GwinZegal de Guingamp (2012) et au Château d’Eau à Toulouse (2005). Ses œuvres ont rejoint les collections du MoMA et de l’ICP à New York, de l’Art Institute of Chicago et du Victoria & Albert Museum à Londres.
En 2002, Tom Wood a reçu le « Prix Dialogue de l’Humanité » aux Rencontres d’Arles.
Tom Wood : Every day is Saturday: portraits anglais
18.06. / 16.10. 2022
Commissariat de l’exposition : Jérôme Sother, François Cheval et Yasmine Chemali
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