Il y a des images trop pleines d’histoires, tellement lourdes de récits qu’elles les laissent tranquillement se répandre comme les couleurs s’étalent sur le monde. Ces images coulent et, face à elles, nous sommes pris.e.s dans un flot de mots possibles et de mondes cachés. Il y a une certaine magie à traverser ces images, on vole d’un espace à l’autre sans jamais se cogner car il y a trop de choses à dire, des chants plein les oreilles, des paysages plein le nez.
Les images d’Elina Brotherus, photographe et vidéaste finlandaise, jouent sans cesse avec les règles de ce jeu qui peut aussi s’écrire
« je » et qui passe, sans se lasser, du mot au vu, du vu au poème, du poème à tout ce qui dans le cadre peut rire en silence. Elina se met en scène dans ses photographies en travaillant autant la mise en abîme que la dérision. Elle voyage ainsi avec désinvolture de l’autofiction au regard sur le paysage, de la réappropriation de l’histoire de l’art à des inventions formelles mêlant image fixes et images en mouvement. Alors oui, le travail d’Elina Brotherus racontent des histoires qui pourraient s’apparenter à des contes oubliés. La fable d’une balle rouge saisie dans son envol pour
Baldessari Assignments (2016- ), celle des femmes seules de la Maison Carré (2015-2018) et la comptine éternelle de l’artiste et son modèle qu’elle module à foison en se dédoublant. Dans les histoires d’Elina Brotherus l’image s’inscrit toujours à la lisière d’une forêt où l’ironie et la mélancolie se côtoient avec bienveillance. Il y a une douceur dans ce regard, quelque chose qui donne aux formes bêtes de l’existence des allures de roman.
Ce roman silencieux s’écrit aussi comme un écho en négatif dans les jeux de mises en scène de Sara Imloul, jeune photographe française. Sara construit des images en noir et blanc réinterprétant toujours un peu plus follement ce qu’ouvraient les surréalistes
dans les années 1920. Dans Passages, elle plonge dans une archéologie contemporaine en installant des objets qui, du simple fait de leur position, racontent les mystères fous de tout ce que l’on ne voit pas. À la manière de Brassaï, elle réinvente les signes en les domptant dans son cadre. Montage infini des formes, passage de relais entre ce que l’on voit et tout ce qui pourrait être si on se donnait un tout petit temps pour la magie. Et il y a tant de magie dans ces images pleines d’histoires, celles qui détournent le réel pour mieux entendre son rire.
Emilie Houssa
(co-directrice du Centre Claude Cahun pour la photographie contemporaine, ancienne Galerie Confluence, Nantes)
Commissaire d‘exposition : Christel Boget
Sara Imloul est une photographe plasticienne française, née en 1986. Elle déploie depuis 2008 une photographie symbolique et autobiographique en s’attachant à fixer dans l’obscurités de ces noirs et blancs des visions intérieures nées du souvenirs.
Après une formation de praticien photographe à l’ETPA, Toulouse entre 2008 et 2011, elle développe dans son laboratoire des techniques personnelles lui permettant de mettre en image son univers mystérieux à travers un procédé à l’origine de son médium, la calotypie. (Breveté par W. Fox Talbot en 1841. Technique permettant d’obtenir un négatif papier.)
Au fil des séries, Chez Moi 2020, Passages, (2015-2018), Das Schloss (2014), Négatifs (2012) et Le Cirque Noir (2008-2011), elle mêle dessin et collage à ses tirages photographiques, et compose à la main sa narration singulière.
Elle expérimente également la vidéo et l’installation à partir de 2013 avec le projet T.R.E.S.E.D. Sara Imloul a reçu le prix Levallois en 2019. Elle a publié deux monographies aux Éditions Filigranes : Passages, en 2022 et Das Schloss, en 2014.
Elina Brotherus, basée en Finlande et en France, travaille avec la photographie et l’image en mouvement. Son travail alterne entre autobiographie et histoire de l’art. Elle se sert souvent d’elle-même comme modèle. Après ses premiers autoportraits, Brotherus s’est intéressée à la relation entre figure humaine et paysage et, plus tard, à celle entre l’artiste et le modèle. Dans les
séries Annonciation (2009-2013) et Carpe Fucking Diem (2011- 2015), elle est revenue à l’imagerie autobiographique. Son travail récent s’inspire de l’art des années 1960 et 1970, notamment du groupe Fluxus et de l’art conceptuel.
Elina Brotherus a commencé à exposer à la fin des années 1990 et son travail a depuis été largement montré tant au niveau national qu’international. Brotherus est présente dans plus de 60 collections publiques et a publié 11 monographies. L’une de ses nombreuses récompenses est la Carte blanche PMU, grâce à laquelle elle est devenue la première artiste finlandaise à avoir une exposition personnelle au Centre Pompidou à Paris.
Elina Brotherus est titulaire d’une maîtrise en photographie (2000)
de l’Université d’art et de design d’Helsinki (aujourd’hui Université Aalto) et d’une maîtrise en chimie (1997) de l’Université d’Helsinki.
Exposition soutenue par : 110 Galerie, DIAMANTINO LABO PHOTO, ETPA Toulouse, gb agency, Paris Nous remercions chaleureusement Monsieur Jean-Philippe Daniel pour son mécénat et son soutien.
du 4 juillet au 25 septembre 2022
FOTOHAUS ARLES 2022 co FONDATION MANUEL RIVIERA-ORTIZ
18, rue de la Calade, 13200 Arles