Colette Pourroy nous dévoile le 4e volet de sa saga familiale, qui sera présenté la première semaine des Rencontres d’Arles, avec parution simultanée du livre L’ombre de Kate, éditions André Frère, et une exposition L’ombre de Kate, de 22 photos en noir et blanc argentiques, tirées sous l’agrandisseur par Andres Romero.
Le visage absent par Fabien Ribery
Au commencement était le noir, puis la béance, puis l’éblouissement, puis rien.
Au commencement était la destruction, l’effacement du corps, l’évanouissement du visage.
Au commencement était l’art, qui est l’histoire pour son auteure d’un regard impossible, perdu, interdit.
Un bébé sur un quai de gare que serre sa maman sur son cœur, un père qui repart à la guerre en 1916, après une courte permission donnée pour la naissance de son enfant, puis une explosion, le désastre, la mort.
Cet homme nié est le grand-père de Colette Pourroy, dont le fils sidéré, privé de mots, devint mutique.
Rien n’aura été transmis que le silence, qui réunit dans la séparation, et la douleur qui mènera à soixante-treize ans une veuve vers le suicide par noyade, la bouche remplie de l’eau létale de l’histoire du crime de son siècle.
L’appareil photographique de la petite-fille ne cessant, livre après livre, d’interroger sa généalogie familiale, est une fabrique de fantômes, une chambre d’écho pour une parole absente.
Un cahier est ouvert sur un fauteuil au tissu élimé, l’écriture est encore lisible, mais les noms sont recouverts de suie.
Dans son dialogue intérieur avec l’indicible, Colette Pourroy interroge le néant.
On ne crée pas seul, mais avec les spectres qui nous entourent et nous pressent, avec la mélancolie qui étouffe et demande d’être déchirée, avec le temps qui produit, goutte après goutte, des montagnes de cadavres aussi sûrement qu’un alambic macabre.
Dans le tremblement de ce qui apparaît, nuages ou buées, traînées de poudre ou concrétion de poussières, il y a peut-être les traits de qui fut défiguré.
L’artiste est un passe-muraille, le front appuyé sur un mur de lamentations édifié par des innocents.
Des portes, des porches, des arches, des couloirs, des corridors.
Des voiles, des toiles, des fenêtres.
Des soleils noirs, des abat-jours, des bougies.
On peut prier, suivre des chemins de lumière et faire le vide en soi, ou accomplir tout cela en une seule fois par la grâce du médium photographique.
Le grand-père, qui était ingénieur et sculpteur avant d’être un soldat vaincu de vingt-neuf ans, avait sculpté deux mois avant sa mort un coupe-papier en forme d’obus surmonté d’un trèfle à quatre feuilles taillé dans du laiton doré.
Fidèle à son aïeul, Colette Pourroy, rejouant dans le tarot de ses vingt-deux images les signes du destin, invente un rite d’exorcisme pour transformer le mal en illuminations discrètes.
Des draps froissés rassemblés en vortex de rose monte l’espoir d’un hosanna.
Fabien Ribery
Colette Pourroy vit et travaille à Paris et en Provence.
Formée à l’Ensad à la Villa Arson à Nice, elle se spécialise en graphisme et photographie.
Elle exerce durant trois décennies dans l’édition à Paris en free-lance, avant de se consacrer entièrement à la photographie, à partir de 2008, comme auteure.
Dès 2003, elle expose régulièrement, principalement à Paris. Ses photos sont en collections publiques, à la BnF Richelieu, à la MEP, et en collections privées en France et à l’étranger.
En 2013, le Centre IRIS lui décerne le prix Caféfoto avec une exposition solo sur le père (saga familiale #1). Télérama lui consacre un article élogieux sur ce prix.
En 2014, elle est sélectionnée dans le Mois de la Photo à Paris (Au cœur de l’intime), pour sa série Couple, avec une exposition solo à la Little Big Galerie. De nombreux articles dans les médias couvrent cette série.
En 2015, la galerie Mind’s Eye, (Paris) l’expose en solo dans « Espaces intérieurs ».
En 2017, elle est exposée sur le stand André Frère Éditions, à Paris Photo au Grand Palais, pour la parution de son livre Ève réincarnée, sur sa sœur (saga familiale #2) et aussi à la galerie Mind’s Eye en solo.
Depuis 2018, Récurrence Photo présente sur son site la série Couple.
En juin 2019, dans « la figure du Père », elle est sélectionnée aux 41e Estivales photographiques du Trégor (galerie L’Imagerie, à Lannion) avec une vingtaine de photos sur le père (saga familiale #1).
En juillet 2019, avec sa série sur sa mère (saga familiale #3) elle est sélectionnée pour exposer à la galerie Huit Arles, aux Rencontres Off, à l’occasion de la sortie de son livre chez André Frère Éditions.
En 2022, la série sur sa grand-mère (saga familiale #4) sera exposée à Arles, à l’occasion de la sortie de son livre chez André Frère Éditions.
Colette Pourroy photographie en film argentique sans retouche et ses tirages sont réalisés à l’agrandisseur par Andres Romero sur papier baryté mat.
www.colettepourroy.com
www.andrefrereditions.com
Colette Pourroy : L’ombre de Kate
du 3 au 9 juillet 2022
Hôtel du Forum
place du Forum du 3 au 9 juillet 2022