Cet été Madame M. s’expose de Paris à Arles en passant par Pradres. Autant d’occasions de découvrir son univers exigeant de l’extrême et de l’ambigüe.
En fait Madame M. s appelle Marine Pierrot Detry, est photographe et participe a l’exposition collective la plus érotique du festival.
Voici le travail de Madame M. et le texte écrit sur elle par Yann Ollivier.
Si vous la croisez un soir à l’after d’un concert, en coulisses, dans un bar à vin ou plus tard encore dans la nuit au détour d’un club parisien, difficile de savoir si vous vous adressez à Marine Pierrot Detry ou à son double Madame M. comme certains la nomment parfois avec déférence et comme elle aime aussi signer certaines de ses créations photographiques. Marine n’a pas déterminé de règle d’usage précise pour l’utilisation de ces deux dénominations. Sans doute aime-t-elle laisser planer l’ambiguïté, malgré un caractère bien trempé qui ne la souffre ni dans ses opinions ni pour ses commentaires. Mais c’est comme si tout, autour de Marine et dans son univers hautement stylisé, était organisé sous le signe de ce double ou d’un certain miroir. Marine Pierrot Detry tire cette science du dédoublement de sa propre personne, jumelée à la naissance, et de ses racines familiales : un père homme de théâtre – éden de l’éternel tiraillement entre la ville et la scène – et une mère à la fois psychologue et modèle pour les couvertures de romans d’espionnages épicés. Comment s’étonner dès lors de ses passions pour le spectacle, le costume et le fétichisme. L’adolescente connut sa phase rebelle, celle de l’esthétique du sombre et du funéraire, de Baudelaire à Lovecraft, des virées dans les catacombes à l’écoute assidue de musiques abyssales. Puis ce fut une longue période ou Marine fréquenta les cabarets érotiques, époque où elle rencontra des amies qui lui sont restées fidèles.
Professionnellement, théâtre et oedipe obligent, Marine savait qu’elle travaillerait du côté de l’art et ce sera dans la production et diffusion musicale, où elle forme le duo de choc « Agents doubles » avec Yann Ollivier (imprésario le jour, auteur de polars la nuit) et en photographie, le binôme inséparable avec son cher ami François Hurteau-Flamand, antiquaire de mode, qui fait d’elle le modèle d’un quotidien qui n’est jamais banal.
Le vêtement est une chose on ne peut plus sérieuse pour Marine Pierrot Detry. Elle le définit comme une carapace pour se protéger du monde, comme l’indispensable obstacle à l’obscurantisme ambiant. Chaque jour est une nouvelle tenue, un nouveau costume ou une nouvelle peau.
Son amitié avec de longue date avec Aleksandra Lipatova lui a ouvert les portes des clubs interlopes et surtout BDSM, une discipline dont elle apprécie l’esthétique et qui est pour elle source d’inspiration artistique. Elle y apprécie le cérémonial de la domina, le triomphe de l’objet et l’avènement du fétichisme. Elle estime que ce concept de domination lui permet de créer un univers de fantasmes et de possibles intimes. La photographie est alors le prolongement logique et indispensable de sa réflexion et de sa recherche esthétique. Sa création artistique. Et là où son métier la force à instaurer règles, limites et ordre, la photographie, bien entendu minutieusement travaillée, lui permet de créer cet espace fascinant où règnent l’imprévisible et l’aléatoire et où peuvent converger ses fantasmagories.
Alors, lorsque vous la verrez un soir, sera-t-elle l’agent, la photographe, la dominatrice ? Sera-t-elle Marine ou Madame M… ? Peut-être vaut-il mieux pour vous ne pas tenter de le découvrir, sauf si vous y tenez vraiment… Et peu importe finalement, car Marine sait être tout cela à la fois.
Yann Ollivier
BELLE N.M. BEAU N.F. / ARLES
My friends, the photographers
Du 4 juillet au 4 août 2021
Commissaire Pia Camille Cooper
Hotel de Grilles
14 rue de Grilles
13200 Arles