L’histoire d’Arles puise dans l’Antiquité. Pourtant, si ancienne soit la cité, elle manque légèrement d’épaisseur mythologique. Grand dam, arlésiens, épargnez-moi vos courroux. La cité a bien ses Alyscamps, nécropole. Ses places s’animent de récits et simulacres pendant Arelate. Le Rhône caresse son musée de l’Antique et Paris lui a même ravie sa Vénus. Mais il manque les mythes, les croyances, le folklore, et plus encore, l’importance donnée à un lieu par l’homme. Avec l’exposition Toujours le soleil de Dune Varela, Arles a trouvé une réflexion sur la représentation de ces lieux mythologiques. Bien plus encore, elle questionne au sens large la pérennité de la photographie et (se) joue à merveille des images.
Dans ses travaux précédents (Icebergs I et II, Constellations, White Storm), la photographe née en 1976 cherchait à révéler « l’imaginaire collectif » d’espaces naturels ou construits. Toujours le soleil propose une continuité avec ses précédentes oeuvres, malgré une évolution dans la forme. L’exposition donne à voir un ensemble de représentations de lieux sacralisés, tels ces temples aujourd’hui devenus « des vestiges, des décors, des sites touristiques, des espaces de savoirs et de représentation ». Mais la présentation de ces lieux questionne. L’image d’un temple importe davantage que le temple lui-même.
C’est justement ce système de représentations dont se joue la photographe. Un temple devient trituré, photographié, re-photographié, capturé à partir d’un écran. L’image se démultiplie, sa forme change. D’abord imprimée sur pierre, l’image d’un temple est brisée en fragments. L’antique devient lointain. Le mythe s’éloigne. Il reste une correspondance entre ces ruines visitées comme preuve du passé et le caractère fini de la photographie.
Ainsi le regardeur a sous ses yeux la photographie d’une statue recouverte d’un projectile de peinture, avant que n’adviennent des fragments, des bouts d’images soudainement coupées, des captures photoshops transférées sur de la céramique. Le cliché d’un mur en colonnades s’arrête net sur la pierre brisée. La forme prime nous dit Dune Varela. Et cette forme est malmenée. L’image en prend un coup. « J’ai cherché à détruite, à déconstruire. La photographie porte en elle cette fixation, c’est une capture. Je voulais produire quelque chose de plus brut, me lancer dans l’inconnu de la matière en acceptant les accidents, en allant même jusqu’à les provoquer. » (Toujours le soleil, entretien avec Manon Lutanie, Éditions Trocadero).
Dune Varela veut montrer les contraires, les inverses, donner à voir les oppositions. « Nature/artificiel, préserver/détruire, révélation/disparition, contenu/contenant. Toutes ces formes de représentations posent la question de l’humanité, l’homme, son rapport au temps et à la nature. » Elle cherche à « expérimenter. En multipliant les formats, les supports et les matières utilisées, je questionne la matérialité de l’image et sa forme de représentation », nous précise t-elle.
La photographe a donc a remué les tréfonds de la photographie. Elle est remontée jusqu’à « l’origine de la photographie », tout en « partant de sa matérialité pour explorer de nouvelles voies ». Le mélange de plusieurs supports devient un jeu. Elle redonne vie à de vieux négatifs sur plaques de verre, elle diffuse des images longtemps restées sous la poussière. Vieux négatifs en noirs et blancs, fonds photographiques, images anonymes, on trouve de tout cela dans Toujours le soleil. La photographe se charge de montrer « la trace de ce qui a été. ». Elle interroge la « question de la disparition physique de l’image, l’idée de pérennité, de plasticité et de bi-dimensionnalité de la photographie ».
Plus que tout, la photographe propose un va-et-vient audacieux et extrêmement plaisant entre passé et présent, antique et contemporain, formes et fonds, soleils d’hier, lumières d’aujourd’hui, photographies d’avant l’heure et clichés du passé. Toujours le soleil est une affaire de contraires, et dans ce jeu d’oppositions, il nait des questions sur l’histoire, sur notre présent, sur la disparition et l’effacement. L’oeil saisit ces fragments et de morcellements, il se nourrit de questionnements sur notre monde.
Arthur Dayras
Arthur Dayras est un auteur spécialisé en photographie qui vit et travaille à Paris.
Dune Varela, Toujours le Soleil
Festival des Rencontres de la Photographie d’Arles 2017
Du 3 juillet au 24 septembre 2017
Arles, France