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Arles 2016 : Charles Fréger, Yokainoshima

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Au sein de la programmation officielle des Rencontres d’Arles, le nouveau travail photographique de Charles Fréger intitulé Yokainoshima est présenté à l’Église des Trinitaires. Le photographe français bénéficie du soutien de la Fondation d’entreprise Hermès. Nous l’avons rencontré pour qu’il nous parle de cette série exposée à Arles jusqu’au 28 août prochain et qui fait l’objet d’une publication aux éditions Actes Sud.

Après Empire, Wilder Mann et Bretonnes, vous poursuivez votre inventaire des communautés humaines. Pourquoi et comment avez-vous choisi le Japon ?

Après Wilder Mann qui porte sur les mascarades hivernalesj’ai commencé plusieurs recherches sur les traditions qui avaient des similitudes avec ce que j’avais photographié en Europe. J’avais entendu parler de figures masquées rituelles au Japon. Quand j’y suis allé, notamment pour exposer à l’espace de la maison Hermès de Tokyo appelé Le Forum, Reiko Setsuda, qui en est la commissaire, m’a proposé de m’aider à poursuivre ce travail au Japon.

Pourquoi avoir intitulé votre livre “Yokainoshima, L’île aux monstres” ? 

En japonais “Yokaï” ne signifie pas “monstre” au sens strict… Cela fait référence aux créatures imaginaires en général qui sont nombreuses dans la culture japonaise. Cela peut être aussi bien des fantômes que des démons ou même des objets… Ce sont des personnages que l’on retrouve dans les premiers mangas d’Hokusai, par exemple. Ces créatures ont un impact énorme dans l’imaginaire japonais.

Vous avez travaillé dans cinquante-huit endroits différents du Japon. Comment se prépare un tel projet ?

La première étape est une phase de recherche : faire un inventaire des traditions hivernales existantes dans le nord du Japon dans différentes régions. Puis, je me suis rendu compte qu’il y avait aussi des choses intéressantes dans les régions du sud, et pas seulement l’hiver. Après avoir fait l’inventaire des groupes et avoir choisi ceux que je voulais photographier, il a fallu obtenir leur accord, ce qui n’a pas toujours été facile… Au total, j’ai fait cinq voyages au Japon de seize à dix-sept jours. C’est un long travail que je réalise avec une assistante. L’aide de ma galerie japonaise et de la Fondation d’entreprise Hermès a été également précieuse…

Comment avez-vous choisi les communautés ?

Tout commence par une recherche visuelle. Je les ai choisies par rapport à des critères visuels qui m’intéressaient et qui me sont propres. C’est une histoire de sensations, d’instincts : j’aime, j’aime pas… j’ai envie de photographier ça et pas ça… Car il ne s’agissait pas de faire un inventaire objectif des traditions japonaises. On relie souvent mon travail à l’anthropologie ou à l’ethnographie parce que ma façon de photographier ou mon mode d’expérience (ce que je vis avec les groupes, les liens que je tisse avec ces communautés) peut l’évoquer mais je suis photographe avant tout.

Comment se déroulent les prises de vue ? 

Il ne s’agit pas d’une photographie objective. Certes, il y a une part documentaire dans mon travail, mais ce n’est pas le fond de ma démarche. Je mets ces silhouettes dans un environnement qui me paraît cohérent et intéressant afin qu’elles soient en connexion avec l’espace en arrière-plan. Tout est contrôlé, mis en scène et éclairé…

Ce travail sur le Japon est la continuité des précédentes séries que j’ai faites avec cette idée de construire un projet encyclopédique qui s’étend de continent en continent. Si au tout début, je m’intéressais à la connexion entre un individu et sa communauté, maintenant c’est la représentation d’une identité fantasmée que je veux montrer : comment on se crée des personnages, symboliques ou surnaturels, qui ont une connexion forte avec l’identité propre d’une communauté.

Pourquoi cet intérêt pour ces communautés rurales ?

Je viens du monde rural, je suis fils d’agriculteur et, avant de faire les beaux-arts, j’ai fait des études dans un lycée agricole. J’étais censé devenir agriculteur… Ces gens proches de la nature et qui travaillent avec la nature m’intéressent forcément… tout comme ces rituels et ces croyances qui subsistent alors que le monde se modernise…

En quoi consiste votre partenariat avec la Fondation Hermès ? 

La maison Hermès s’est intéressée à mon travail il y a déjà quelques années et a acquis quelques-unes de mes œuvres. Depuis, le lien n’a jamais été rompu. Il y règne une culture du savoir-faire, du bien fait et une sorte de respect du travail, des valeurs qui m’impressionnent. Alors que je venais tout juste de finir la série Wilder Mann, la maison Hermès est venue me chercher et elle a ainsi été la première à publier les photographies de ce travail dans son magazine, Le monde d’Hermès, en 2011. C’est ensuite la Fondation d’entreprise Hermès qui les a exposées dans plusieurs lieux, à Bern, à New York, à Tokyo. Au fil des années, une relation suivie et de complicité s’est instaurée… Pour le troisième volet que je suis en train de préparer et à venir d’ici deux ans, elle est là : elle regarde, attend… ça m’aide à me projeter et à continuer. Il ne faut pas oublier que le photographe est dans une sorte de solitude quand il travaille sur ses projets. De plus, ceux que je mène sont assez complexes à mettre en œuvre. C’est la raison pour laquelle le soutien extérieur, quel qu’il soit, pas seulement financier, est important. C’est bien d’avoir un interlocuteur pour échanger et trouver sa direction. La Fondation d’entreprise Hermès joue ce rôle-là aussi, tout comme peut le faire le musée du Quai Branly ou encore celui de l’Image d’Épinal : ce sont des interlocuteurs de valeur.

EXPOSITION
Dans le cadre des Rencontres d’Arles 2016
Yokainoshima
Charles Fréger
Avec le soutien de la fondation d’entreprise Hermès, qui accompagne avec fidélité le travail de création de Charles Fréger
Du 4 juillet au 28 août 2016
L’Église des Trinitaires
13200 Arles
France
http://www.rencontres-arles.com

LIVRES
• Yokainoshima
Charles Fréger
Éditions Actes Sud
Sortie : Juin 2016
23,0 x 18,0cm, 256 pages
ISBN 978-2-330-06470-9
34, 00€
http://www.actes-sud.fr

• Yokainoshima: Island of Monsters
Charles Fréger
Thames & Hudson
Sortie : Juin 2016 (UK), Août 2016 (US)
23,0 x 18,0cm, 256 pages
ISBN 9780500544594
£24.95 / $40.00
UK: http://www.thamesandhudson.com/Yokainoshima/9780500544594
US: http://thamesandhudsonusa.com/books/yokainoshima-island-of-monsters-hardcover

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