La Belle endormie
Il fait chaud, mais pas si chaud. Ce n’est pas la chaleur qui est écrasante, c’est le climat.
Je me souviens de la première fois où je suis venue en Arles, pour les Rencontres justement. Nous étions en plein mois d’août et la température dépassait 33°. Pourtant, l’air n’était pas étouffant. Il était, tout au contraire, chargé d’électricité. Je me souviens des larmes qui avaient coulé sur mon visage face à l’installation de Nan Goldin à l’église des Frères Prêcheurs. Je me souviens des clichés de Larry Clark, de Diane Arbus, de Pierre Molinier et d’Antoine d’Agata. Je me souviens des clairs-obscurs de Willy Ronis, et de l’espièglerie de Duane Michals. J’étais grisée par tant de beauté ; tant de chefs d’œuvres. La « rencontre » avait eu lieu.
C’était en 2009, il y a seulement trois ans. Que s’est-il passé, depuis?
Ce mardi 3 juillet à midi, une heure à peine s’est écoulée et je me demande si, à force de courir le monde à la recherche de trésors cachés, je ne suis pas devenue perméable à tout émoi artistique, blasée. Je me rassure en discutant avec d’autres pèlerins qui ont fait le voyage et semblent tous aussi perdus que moi. Je ne suis pas la seule à chercher sans trouver. Je déambule dans les salles à moitié vides sans trop savoir pourquoi mon regard n’arrive pas à se fixer. La magie des images n’opère pas.
Un sursaut, à l’espace Van Gogh, où je découvre quelques jolis clichés d’Henry Clarke. Ils me rappellent l’eau de rose avec laquelle ma mère me lavait le visage, petite fille. Je suis transportée, un instant, mais le parfum si doux s’évapore dès que je passe la porte. Même Koudelka me semble fade. Il y a peut-être une perle, quelque part, mais bien cachée.
Que manque-t-il à Arles cette année?
De la diversité, il y en a, mais de l’imagination, il en manque. Où est la prise de risque ? Où est le spectacle? L’édition 2012 des Rencontres s’interroge sur le rôle que peut jouer « l’école française » à l’heure du triomphe de celles de Düsseldorf ou de Yale, faisant le bilan de trente années d’enseignement de la photographie à l’École nationale supérieure d’Arles. On a sacrifié la créativité et la fantaisie sur l’autel de l’ethnocentriste. Souhaitons aux Rencontres de reprendre leur souffle. L’année 2013, espérons-le, sera celle du renouveau.
Anne-Hélène Decaux
Historienne de l’art, spécialiste en art moderne et contemporain, directrice de la communication d’ArtViatic.