43 ans, j’essaie de combiner ces deux chiffres, après tout à l’envers 34 c’est l’année de ma naissance, et je retrouve en ville des photographes qui ont mon âge et parfois plus. Bien sûr toute la bande de Magnum dont je ne connais que quelques uns aux cheveux blancs et en particulier mes chers Burri et Erwitt les plus fidèles ! Mes rapports avec Magnum ont toujours été compliqués le pire évidemment avec Cartier-Bresson qui refusait d’être l’invité d’honneur pour le 10ème anniversaire, qui finalement vint ( » je me déguiserai en curé » m’avait-il dit ) et ce fut un triomphe le théâtre était archi plein ! Drôle avec René Burri cherchant Picasso à Nîmes et sur lequel on s’est tous précipités car on était 13 à table et il fallait un 14ème, Picasso était superstitieux ! Pénible, lorsque je sollicitai Martin Parr de me parrainer pour que Magnum, qui avait envisagé de représenter des non membres, diffuse mes images, il me regarde de son oeil d’oiseau ahuri » Oh ! Lucien, you are too old « … Et c’est Elliott Erwitt qui triomphe au Théâtre à 1 heure du matin après une projection enchanteresse saluée par une standing ovation de 2000 fervents ! Le plus jeune de tous à 83 ans. En opposition les élèves de l’Ecole Nationale Supérieure de Photographie. J’en ai connu certains, je faisais au début passer les oraux et c’est une ancienne élève qui est mon assistante aux tirages argentiques ( les seuls que l’on fasse chez moi ). C’est bon d’avoir un tel dialogue, et d’avoir des échanges avec ces élèves, j’ai plusieurs de leurs tirages dans ma collection, comme j’en ai de ceux de Magnum. Certains sont reconnus sur la scène internationale. Et j’essaie de les aider pour qu’ils entrent à la Casa de Velazquez à Madrid qui est dans le giron de l’Académie. Mais ce n’était pas gagné : HCB y était farouchement opposé, et Ansel Adams que j’avais questionné m’avait dit » No school, only workshops ! « .
Mais les projets de François Hébel, pour les 10 ans à venir, d’installer ENFIN dirai-je, une structure pérenne et solide aux Ateliers où la photographie sera célébrée, enseignée, montrée, du 1er Janvier au 31 décembre me semblent très prometteurs! Vivrai-je assez longtemps pour voir ce grouillement d’images et d’imagiers dans cette friche réhabilitée, où des générations d’arlésiens ont vécu et travaillé pendant des décennies. Mais les Rencontres ne justifieraient pas leur nom si ce n’était ces rencontres entre artistes de tout bord : Sophie Calle est à la Chapelle du Méjan, Picasso mis en scène par Christian Lacroix (qui m’a offert une petite salle pour mes premières images) est au Musée Réattu, et Maja Hoffmann a fait remplir la piste des Arènes de sable, où des artistes travaillent, l’un recouvert d’abeilles, d’autres cachés pour célébrer Peer Gynt la nuit, sous la lune et les étoiles (La lune enfant dolente simulait une Arêne, dixit Garcia Lorca ). On dit que la Ministre de la Culture viendra le dimanche qui clôture la grande semaine d’ouverture : c’est la première fois que Le Ministre de Tutelle n’a pas coupé le ruban. Et pourtant mairie de gauche et gouvernement de gauche, pendant 17 ans les ministres de droite sont venus inaugurer les rencontres !
A l’an prochain
Lucien Clergue, Vice Président de l’Académie des Beaux Arts.