Il y a maintenant un an, j’ étais alitée avec un mal de tête insupportable. Je souffre de migraines depuis peu et fus donc étonnée d’être prise de fourmillements dans mes membres. Je ressentis soudain un « POP » dans mon cerveau, une onde qui se propagea en moi de la tête aux pieds. La paralysie m’ engouffra comme une vague. Je ne pouvais absolument plus bouger, ni même ouvrir les yeux ou appeler à l’aide. J’ étais prisonnière de mon propre corps, « locked-in ». Cela ne dura qu’un court moment mais ce fut l’expérience la plus terrifiante de ma vie.
Au-delà de l’ aspect personnel de ce travail, j’ ai toujours été attirée par les juxtapositions de contrastes. Je m’ intéresse en particulier de plus en plus au fait que les oppositions et contradictions ne sont pas nécessairement mutuellement exclusives, contrairement à ce que la logique nous suggère – par exemple, un horrible incident peut aussi avoir une certaine part de beauté. Je suis fascinée par le fait que pendant cet épisode neurologique, je me sentais totalement en mouvement, essayant de sortir de moi-même, alors que j’ étais paralysée physiquement. J’ ai donc voulu représenter visuellement la coexistence de ces deux états d’être opposés en combinant digitalement des expositions multiples. Mais des impressions digitales auraient été à mon avis bien trop claires et définies pour ce travail et j’ ai donc décidé d’ imprimer ma série en utilisant la technique de badigeonnage de Van Dyke Browns. Ce procédé alternatif donne aux impressions finales une certaine douceur, un manque de netteté qui correspond au ressenti de mon expérience et complémente son aspect surréel. Les photos deviennent alors une allégorie pour le lien complexe et obscur qui existe entre notre corps et notre esprit – une connexion que nous ne contemplons que très rarement, sauf peut-être le jour où elle arrête de fonctionner normalement.