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Andres Serrano, Torture

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La carrière influente et transgressive du photographe américain Andres Serrano continue à repousser les limites de la photographie et de l’éthique, dans cette série récente qui examine sans faiblir la relation entre traumatisme et mémoire, violence et représentation. Torture se déploie sur fond du scandale d’Abou Ghraib et des conséquences des photographies bouleversantes témoignant des abus perpétrés sur les prisonniers. Les images de Serrano montrant des hommes cagoulés naissent de notre subconscient collectif incorporé au matraquage visuel des médias de masse. Ces œuvres montrent la profondeur de la cruauté humaine et de l’indignation, attestant des extrêmes que nous pouvons atteindre lorsque nous avons le pouvoir sur un autre être humain.

Plusieurs sujets de Torture ne sont pourtant pas seulement des symboles, puisqu’ils montrent quatre individus et leurs histoires personnelles. Kevin Hannaway, Patrick McNally, Brian Turley et Francie McGuigan faisaient partie d’un groupe connu sous le nom d’« Hommes encagoulés », des Irlandais qui ont été arrêtés et ont subi les affronts des mains de l’armée britannique en 1971. Ils ont en effet été les victimes de l’expérimentation de nouvelles méthodes d’interrogation, devenues plus tard célèbres sous l’appellation infâme « les cinq techniques » : maintenir debout contre un mur, encagouler, soumettre au bruit, priver de sommeil, et priver de nourriture et de boisson. Des portraits individuels les montrent en gros plan portant des cagoules sombres sur le visage – les compositions étroitement cadrées semblent au premier regard des abstractions. Les plis du tissu rappellent le charbon ou les falaises montagneuses, empêchant le spectateur de déterminer l’échelle, l’espace ou l’identité des sujets représentés. Fatima (2015), œuvre consacrée à la femme soudanaise arrêtée dans son pays natale car accusée d’entretenir des liens avec les rebelles, n’est pas moins réaliste. Cette femme a été battue, torturée au couteau, puis violée pendant sa détention par la police.

Ces photographies dépourvues de sujets humains transmettent pourtant l’impression d’une présence corporelle. Des gants détrempés de sang sont tendus contre un mur, un couloir sinistrement éclairé semble briller d’une force primordiale ; une chaise placée devant une grande croix de bois suppose à la fois la contemplation religieuse et la punition solitaire. Des dispositifs menaçants – Chaîne de fer, The Clink Prison Museum, Londres, Royaume Uni (2015), et Masque de torture IV, Hever Castle, Kent, Royaume Uni (2015) – sont montrés comme des natures mortes inertes qui invitent le spectateur à imaginer leur rude mise en action. Le rôle que jouent les images dans la vie contemporaine – leur circulation et leur censure – restent un sujet de discussion en cours et controversé. Les photographies de Serrano ne sont jamais hésitantes ; elles sont inébranlables dans leur insistance à fouiller plus avant le lien déconcertant entre décence et représentation.

 

 

Andres Serrano, Torture
Du 28 septembre au 4 novembre 2017
Galerie Jack Shainman
513 W 20th St
New York, NY 10011
USA

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