André Kertész (1894-1985) compte parmi les regards qui ont ouvert des chemins nouveaux dans la photographie du 20ème siècle. Amateur de photographie à 18 ans, artisan des recherches esthétiques de la nouvelle vision à 28 ans, défricheur des enjeux médiatiques du reportage photographique naissant à 36 ans, il a largement contribué aux évolutions esthétiques et professionnelles du médium. Mais si plusieurs generations de photographes se reconnaissent une dette envers sa démarche et ses images, c’est pour une autre raison : il est celui qui, sans effets ni étalage, à travers une exigence attentive et une subtilité esthétique constantes, a montré la possibilité de poursuivre une oeuvre sereine tout au long d’une vie de photographe, à l’écart des courants et en marge des commandes.
Cette oeuvre, léguée à l’État par André Kertész en 1984, a fait depuis l’objet de nombreuses études, mais sa pratique du 24×36 demeure indistincte et méconnue. Or, pour reprendre les mots de John Szarkowski (conservateur au MoMa de New York de 1962 à 1991), « plus peut-être que tout autre photographe, André Kertész a compris l’esthétique particulière de l’appareil portatif et l’a rendue manifeste ».
Kertész se dote d’un Leica dès 1930. Avec cet appareil, l’oeil du photographe ne se concentre plus sur un dépoli mais se projette dans un cadre qui se juxtapose à son champ de vision. Le viseur d’un genre nouveau permet au regard de chercher ses repères dans l’image pendant que le corps prend ses appuis dans l’espace. En emmenant ce boîtier dans les rues de Paris, les terrains vagues de banlieue et les chemins de campagne, Kertész invente en quelques saisons une démarche qui va ouvrir la voie à de nombreuses vocations de photographes : la déambulation photographique. « J’ai fait quelques pas avec lui, et j’ai eu l’image, » résume-t-il simplement devant l’une de ses photos.
Une étude récente et inédite menée sur les négatifs originaux conservés par la Médiathèque de l‘architecture et du patrimoine a permis de reconstituer pour la première fois la continuité chronologique des images que le photographe a prises en 1930 et 1936 avec son Leica. Fruit de cet te recherche,
l’exposition présentée à la Maison Doisneau du 22/11/19 au 09/09/20, accompagnée d’un ouvrage de référence publié par les éditions André Frère, propose de remonter à ce moment de la prise de vue et d’observer ces quelques pas de Kertész auprès de ceux qu’il photographie.
D’un déclenchement à l’autre, nous découvrirons ses lieux et ses sujets de prédilection, ses distances et ses angles d’approche, les motifs et les correspondances qui l’inspirent, ses moments d’affût ou de persévérance, sa prévenance et sa retenue envers ce que lui tendent les personnes ou les circonstances photographiées et, finalement, sa capacité à prendre l’attention elle-même pour horizon de sa prise de vue.
Visiteurs et lecteurs seront ainsi invites à mieux sentir comment le regard pense à l’instant du déclenchement.
Commissariat : Cédric de Veigy
André Kertész : Marcher dans l’image
22 novembre 2019 – 9 février 2020
Maison de la Photographie Robert Doisneau
1, rue de la Division du Général Leclerc
94250 Gentilly, France
www.maisondoisneau.agglo-valdebievre.fr
André Kertész : Marcher dans l’image
Éditions :
André Frère, Marseille 2019
Textes :
Cédric de Veigy, Matthieu
Rivallin
240 pages
ISBN : 979-10-92265-85-9
En vente : 39 €
https://www.andrefrereditions.com/