La plupart d’entre nous connaissent le poulet roti ou dans l’assiette. Sans vie et sans âme. Mais dans la série Poules et Coqs sur les races de volailles hollandaises, je montre le morceau de viande le plus polyvalent sous un tout autre aspect. Ces oiseaux portent des noms tels que Barbe de hibou, tête de corbeau, Volaille a crête Hollandaise ou volaille du Brabant. Ils constituent un patrimoine culturel vivant et leur matériel génétique est conservé dans une véritable banque de gènes. Ces poulets sont élevés comme passe-temps et non pour la viande ou les œufs. Ils sont préparés par des éleveurs amateurs dans un délai de six mois pour participer à des concours de beauté pour le titre de « Champion de l’exposition ». Pour moi, ce sont des œuvres d’art ambulantes. Ils ont suscité ma passion et mon enthousiasme. Les tableaux du peintre ornithologique Melchior d’Hondecoeter ont fait le reste et ont alimenté encore davantage l’incendie. Je veux photographier leur beauté et la montrer dans des peintures photographiques.
En franchissant le seuil du poulailler, je suis entré dans un monde complètement nouveau. J’étais plongé dans des croassements, des cris, des ricanements et des plumes volantes. J’ai vu des plumes avec les plus belles couleurs, et des animaux qui se déplaçaient avec tant de douceur et de grâce. C’était comme si je regardais des mannequins sur un podium, portant gracieusement leurs plumes comme à la dernière mode, ou des danseurs gracieux dans un spectacle de ballet. J’ai été époustouflé. Les poules et les coqs sont devenus une nouvelle source d’inspiration.
Même si j’ai changé de sujet, je veux toujours la même chose : un portrait qui a une âme. Heureusement, les poules et les coqs se sont révélés très utiles car ils sont sourds aux indications scéniques et ne posent pas. Ils ne se cachent pas derrière un masque. Sont évident et naturel. Photographier est redevenu passionnant et nouveau.
J’ai fourni le fond, la table avec une nappe, la lumière et l’appareil photo, mais ils ont apporté de la vie et de la beauté à la photo. Je suis resté là et j’ai regardé, et quand j’ai vu que c’était bon, j’ai figé le moment.
Mais photographier des poulets n’était pas si simple. Ils faisaient caca et pissaient continuellement et s’envolaient tout le temps. Je devais donc régulièrement courir après mes modèles ou nettoyer l’ensemble des crottes et pipi. Ils se déplaçaient si rapidement et de manière inattendue que j’appuyais souvent trop tard ou trop tôt. En raison de la mise au point manuelle, je me trompais souvent sur la netteté. J’ai donc utilisé une distance de travail fixe, suivant mes modèles comme si j’y étais relié par un fil invisible. D’avant en arrière et de gauche à droite, les séances photos ressemblaient à une danse au rythme des rires et des chants.
J’ai passé des moments inoubliables avec les poules et les coqs. Et aussi souvent que je le pouvais, je partais en voiture à la campagne pour être avec eux dans le poulailler, leur présence était enchanteresse et rafraîchissante.
Les poules et les coqs m’ont beaucoup apporté et je leur en suis éternellement reconnaissant. Ils étaient là au bon moment et au bon endroit. Ils m’ont appris à regarder avec un esprit ouvert et ont fait de moi le photographe le plus heureux du monde.
Alex ten Napel
