Il y a quelques années, l’achat d’un livre sur les quais me fit connaître Jérôme Callais, bouquiniste et président de leur association. La conversation aidant, germa l’idée de réaliser le portrait de l’ensemble de la corporation. Le temps passa puis vint la crise sanitaire qui mit en évidence notre besoin de culture et classa le livre comme bien essentiel. Je repensai alors aux vendeurs des quais et décidai de concrétiser le projet initial. Je partis donc à la rencontre de cette communauté qui, depuis 450 ans, représente la plus grande librairie à ciel ouvert du monde.
Une longue tradition
Héritiers des colporteurs et « estaleurs », ils apparaissent à la suite du développement du marché du livre d’occasion lié à l’essor rapide de l’imprimerie au XVIème siècle. D’abord marchands ambulants, leur pratique évolue avec la construction du pont Neuf en 1606. Ils s’y établissent, présentant alors leurs livres sur une simple toile. L’édification des quais maçonnés à la fin du XVIIIème siècle voit une évolution de leur activité. Le nombre des bouquinistes progresse au long des XIXème et XXème siècle en même temps que leur statut change. Les boîtes actuelles sont officialisées en 1891 lorsqu’un arrêté municipal permet aux exploitants de laisser leur marchandise à demeure.
Un symbole majeur de Paris
Dans l’univers du livre, les vendeurs des quais se situent entre la librairie de neuf et celle de bibliophilie. Les livres proposés se définissent par leur diversité et leur prix modique. Ainsi, sur près de 4 kilomètres le long de la Seine, quelques 300 000 ouvrages sont disponibles. Par leur activité, les bouquinistes sont un symbole majeur de Paris et du monde intellectuel en contribuant à la diffusion et à la remise en circulation du patrimoine littéraire. Hors de toute considération sociale, politique, culturelle ou religieuse, les boîtes « vert wagon » constituent un espace démocratique d’échange et de savoir.
Un trésor de mémoire
Ce métier-passion a amené nombre de ses membres à se spécialiser dans tel ou tel domaine jusqu’à devenir des références dans le milieu de la bibliophilie. L’étendue de leurs savoirs en fait un trésor de mémoire irremplaçable en ce début de XXIème siècle. C’est ce maillage humain dont la principale raison d’être est la culture, qui confère leur caractère si particulier aux quais de Seine. De part le Monde, d’autres marchés aux livres existent à Tokyo, Rome ou Pékin, mais aucun n’a l’ampleur du modèle Parisien, unique par sa taille, son ancienneté, la variété de son offre ainsi que sa permanence tout au long de l’année.
Célèbres et mal connus
Les bouquinistes de Paris sont célèbres à travers le monde mais restent mal connus et n’apparaissent souvent qu’en arrière-plan d’une vision de carte postale. C’est pourquoi il m’a semblé important d’aller à leur rencontre à travers une approche photographique. Et si au cours de leur histoire, de nombreux textes ont été écrits à leur sujet, en revanche, aucune iconographie d’ampleur n’a été effectuée. J’ai réalisé 140 portraits sur la période 2021 – 2022 afin d’établir un état daté de la corporation.
Alain Cornu
www.alaincornu.com
