Mes premiers souvenirs d’Agathe remontent à mon premier voyage à Paris, autour de 1971… Je l’ai appelée pour savoir si elle voulait faire une carte postale de l’une de mes photographies. Imaginez à quel point j’ai été soufflé en voyant arriver la grande beauté blonde qui m’ouvrit la porte en souriant et m’invita à la rejoindre dans son appartement élégant de l’Île Saint-Louis… immédiatement, elle choisit une carte et m’invita à dîner quelques jours plus tard. Quand je suis revenu, elle était avec son mari Jean-Philippe Charbonnier, un grand photojournaliste dans la pure tradition française. Nous sommes tous devenus instantanément amis, nous rencontrant à chaque fois que je venais en France… si souvent à cette époque…
Et puis un jour ils m’ont dit qu’elle voulait ouvrir la première galerie photo parisienne et m’offrir l’exposition inaugurale ! J’acceptais immédiatement et nous nous mîmes d’accord pour présenter The Somnabulist et Déja Vu… L’ouverture de la galerie Agathe Gaillard au 3 rue du Pont Louis-Philippe fut un événement énorme. Le tout Paris s’y pressa et la fête continua jusque tard dans la nuit. Des caisses et des caisses et des caisses de champagne furent ouvertes. C’était sans nul doute la plus grande célébration de tous les temps. Agathe était devenue à ce moment la muse de la photographie d’art française. Et elle a toujours conservé cette position depuis lors.
Maintenant, plus de trente ans après, elle a décidé de fermer les portes de sa galerie. Je peux tout à fait comprendre son désir d’arrêter… la photographie change très vite et en profondeur, et sa contribution a été tellement importante dans l’évolution du médium. Attendons de voir qui va reprendre le flambeau alors qu’un futur inconnu se déploie pour la photographie… un futur où l’image sera obligée de trouver son sens et son contenu selon d’autres modes.
La photographie a toujours résisté à toutes les formes de définition. Agathe a aidé à la qualifier comme art… ce n’était pas si facile au début des années 70… Je lui serai toujours reconnaissant pour ce qu’elle a fait et les photographes du monde entier partagent cette affection.
Ralph Gibson, Bali
Le 8 mai 2013