Initié en 2018, le projet a pour ambition d’offrir un lieu de 3.900 m2 dédié à la photographie. À la fois espace d’exposition et espace de conservation, il se veut comme un « lieu d’échanges et de recherches pour toutes et tous ». En attendant les travaux de rénovation, l’Institut présente sa sixième « programmation de préfiguration » jusqu’au 24 décembre.
Au cœur du Vieux-Lille, une vaste cour pavée, un petit perron et un grand hall pour vous accueillir dans ces froides pluies d’automne. Deux bâtiments construits respectivement aux XVIIIe et XIXe siècles qui vont être bientôt rénovés dans un important projet architectural mené par le duo Berger & Berger – architectes notamment de la Collection Lambert à Avignon.
Depuis 2019, ils ont imaginé la réhabilitation d’une grande partie des lieux et la construction de nouveaux espaces comprenant 850 m2 de salles d’exposition, 650 m2 dédiés aux réserves photographiques et 750m2 d’espaces publics, avec notamment une bibliothèque, une librairie- boutique, un café, des espaces pédagogiques… Pour cela un budget d’un peu plus de 16 millions d’euros a été alloué et l’ouverture définitive est prévue pour 2026.
Le projet donne aussi la part belle aux aménagements périphériques : des jardins tout autour des bâtiments qui viendront envelopper les lieux d’une atmosphère végétale et contemplative afin d’être dans les meilleures conditions pour apprécier la photographie. Car c’est bien l’ambition de l’Institut : donner toute sa place au huitième art et le faire rayonner dans la région, en témoignent les 30.000 livres photos de sa future bibliothèque qui sera ouverte à toutes et tous ou encore les ateliers menés avec un public scolaire où il s’agira de faire découvrir ce qu’est de poser un regard sur une image.
Graffiti
En attendant la fin de ce grand chantier, l’Institut propose cet automne une programmation inédite avec huit artistes invités. D’abord Bettina Rheims qui a fait don de son œuvre à l’Institut et qui montre ici sa rencontre avec la femme transgenre danseuse et meneuse de revue de cabaret Kim Harlow avec qui elle a fait un livre. D’élégants portraits en noir et blanc qui interrogent la notion de genre et d’identité à une époque où elle se voit plus que jamais questionnée.
Non loin de là est présenté le travail de Yue Cheng, étudiante à l’école du Fresnoy. L’artiste souligne la folie des grandeurs de certaines villes mondiales comme Macao, espace de la démesure et aussi de la surveillance généralisée. Juste en face, c’est le film de Justine Pluvinage qui nous interpelle : le récit d’une histoire d’amour hors norme entre une femme qui a connu d’importantes épreuves dans sa vie et un homme qui a un handicap physique, obligé de se déplacer dans un fauteuil roulant. L’œuvre nous permet de plonger dans l’oraison d’un amour qui sauve de tout, y compris et surtout du regard de la société.
À l’étage, l’artiste afghan Mohammad Hadi Rahnaward invente une chorégraphie autour de la notion de pouvoir en créant une vidéo où des hommes – et seulement des hommes – jouent des coudes pour tenter d’entrer dans un cadre, métaphore de leur envie d’accéder à la lumière et du conflit inévitable pour y arriver. Juste à côté, comme un pied de nez à cette soif du pouvoir, l’artiste SAEIO dévoile ses déboires avec la justice française pour avoir graffé des wagons de la SNCF. Il écrit notamment une déposition fictive, très drôle, dans laquelle il questionne sans vergogne l’impossible identité de l’auteur d’un graffiti.
Photomaton
Claire Fasulo, elle, est allée filmer des décors de fêtes foraines en pleine nuit, quand personne n’est autour et avec les lumières colorées dans ce qu’elle appelle une « attirance-répulsion » pour ces espaces hors du commun. Autre artiste de Lille : Olivier Despicht. Il présente un travail réalisé entre 1992 et 2002 où il s’est servi d’un photomaton pour faire des autoportraits, y associant ensuite sa compagne et son enfant en des prises de vue sensibles qui font fleurir les expressions de chacun.
La programmation s’achève avec le travail de David de Beyter qui s’est intéressé à l’ufologie scientifique. Il s’est rendu sur les lieux indiqués par les personnes qui croient à la présence d’extra-terrestres et en a fait d’imposants paysages avec lesquels il s’amuse à pointer la particularité de ces croyances et les images associées.
L’artiste est l’un des quatre lauréats du programme de soutien à la recherche et la création décerné en 2020 par l’Institut pour la photographie qui vient d’annoncer un autre programme de soutien, celui-ci dédié au livre photo jeunesse. Une enveloppe de 10.000 euros pour accompagner l’édition de livres consacrés aux jeunes de 6 à 18 ans.
Jean-Baptiste Gauvin
Institut pour la photographie
11 Rue de Thionville, 59000 Lille
https://www.institut-photo.com/
