Mark Seliger est quelqu’un de particulier pour moi. La raison est simple, c’est le premier à m’avoir fait confiance dans ma vie de galeriste. C’était lorsque j’habitais à NY, en 1999, je crois. Howard Greenberg, qui avait une petite galerie à Soho, avait investi un grand espace à 300 mètres de sa base, un lieu d’exposition du joli nom de « Soho Triad ». Louer un espace plus vaste allait lui permettre d’exposer des grands formats, ce qui n’était pas très pratique dans sa petite galerie aux airs de garçonnière.
L’artiste exposé était le plus grand portraitiste de presse du moment, aux cotés d’Annie Leibovitz, le texan Mark Seliger, chief photographer du célébre magazine Rolling Stone. L’ami Seliger sortait chez Bullfinch sa première compilation de portraits : « Physiognomy », et Howard avait décidé d’exposer les meilleurs clichés.
C’est en débarquant au vernissage situé à 4 blocs de mon bureau que je pus voir la qualité des images, réhaussée par la qualité des tirages (Mark faisait tous ses tirages argentiques lui-même, ce qu’il continue de faire relativement souvent). De fil en aiguille, Mark que je représentais en France pour la vente de ses portraits à la presse (via l’agence Outline de Jim Roehrig), me fit confiance lorsque je lui dis que je voulais monter une galerie à Paris. Et « Physiognomy » fit l’ouverture de ma galerie en avril 2000.
Depuis, Mark et moi avons fait 4 expositions à Paris et une au festival « Portraits » de Vichy (de Fanny Dupéchez). C’est un homme que j’aime beaucoup même si je le vois peu. Il est en voyage permanent, de continent en continent, pour photographier de la pub, de la presse, du film… C’est non-stop. Un West Village Globe Trotter ! Il est si difficile à attraper. Il lui arrive souvent de passer à Paris sans que je puisse le voir tant son agenda est complexe. Ça me fait de la peine de le savoir à Paris sans une minute pour boire un verre, mais je le comprends. Cela me fait aussi de la peine pour lui et pour tant d’autres que je connais, qui sont dans une spirale de travail insensée, toujours en train de courir, ayant si peu de temps pour eux, et passant d’inlassables heures dans les avions et les aéroports. C’est marrant deux minutes, mais quand ça dure 40 ans, ça doit être épuisant… Une drogue peut-être ?
Bref, dans ma newsletter hebdomadaire, en plein milieu du Festival de Cannes, je tenais à montrer à mes clients et amis quelques portraits de cinéma réalisés par l’artiste d’Amarillo. Son travail est franc, direct, très créatif, ultra efficace… Une photo de Seliger raconte souvent beaucoup de choses. Son travail personnel est plus mélancolique, moins commercial bien sûr. On peut le voir dans son 1er livre sur les rescapés de la Shoah : « When They Came To Take My Father (Voices of the Holocaust)» et dans son livre très intime : « Listen » (superbe titre pour un livre d’images, car ce sont des photos à écouter, et elles résonnent véritablement).
Encore un détail et je m’arrêterai là. Mark Seliger et moi partageons une passion pour la musique. Il a sorti trois albums avec son groupe de rock, les « Rusty Trucks », enchainés par de nombreux concerts. De la musique country rock américaine de très bonne facture. J’avais demandé à Mark de jouer un soir à Paris pour un de ses vernissages. Cela avait donné une dimension supplémentaire à l’événement, plus cool, plus rock. De sa passion pour la musique sortent également une collection de portraits de musiciens réunis dans un superbe livre « The Music Book » (difficile à trouver). Quant à moi je reste musicalement très discret, dans ma cave, avec quelques amis et du whisky !
Arnaud Adida
A.galerie
4, rue Léonce Reynaud
75116 Paris