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5e biennale de Porto Santo

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Dans un style documentaire précis et direct la photographe Ana Marta nous dévoile un visage de l’île de Porto Santo auquel les vacanciers n’auront peut être pas prêté attention. Plus sobre, voire austère, cet envers du décor prend à contre-pied l’image idyllique habituellement véhiculée par les tours opérateurs, qui préfèrent mettre de côté cette réalité. La poussière et les maisons de vacances vides nous sont présentées telles quelles dans l’hiver lumineux qui règne là-bas.

Pourtant, les images publicitaires font de leur mieux pour nous faire oublier qu’il y a bien un hiver à Porto Santo. Et nous faire croire par la même occasion que les palmiers sont les arbres les plus prolifiques de l’île. C’est un autre poncif estival qui est pourtant bien loin de la réalité puisque, comme l’indique le titre de cette série, les palmiers ne sont pas d’ici. Le palmier est une plante ornementale importée par l’homme. Seul, il aurait eu peu de chance de s’implanter sur ce caillou sec et volcanique. A l’inverse, le dragonnier est l’arbre emblématique de l’île. Plus bas, de tronc épais et aux feuilles pointues, cet arbre rappelle la sècheresse d’un climat difficile et n’évoque en rien un milieu accueillant et paisible.

C’est donc un travail de reconquête du vrai visage de cette île qu’a choisi d’entreprendre la photographe. Après s’être éloignée pendant dix ans, elle retrouve un pays en pleine transformation, résultat de l’essor touristique fulgurant qu’a connu l’île. En marge des quelques absurdités qui ont vu le jour suite à cette nouvelle manne financière (carrière béante, parking vide, routes bordées de palmiers fuyant vers un horizon vide…), la photographe nous présente aussi ce qui faisait et fera encore l’autre visage de Porto Santo, celui des 5 000 personnes qui résident là toute l’année : les chiens abandonnés, le sol aride, les citernes d’eau, des cabanons sur une plage et surtout des visages. Ce sont des portraits en pied. Pris au moyen format, ils ont quelque chose de solennel et d’important, emprunté à la photographie d’identité. Sans rien nous apprendre des personnes, ils nous montrent  l’identité de cette île à travers elles.

D’ailleurs, pour Ana Marta, la technique utilisée, le moyen format, n’était pas qu’une technique privilégiée pour l’étude topographique. Après avoir fait un peu de photoreportage avec des appareils plus légers et rapides, elle s’est tournée vers un appareil ayant un rapport au temps différent. Plus ancré dans la durée, celui-ci permet de se focaliser sur la construction de l’image plutôt que de s’essouffler dans la quête d’un « moment », sans cesse réitéré par la technique de l’instantané. Une durée et une construction qui font aussi sens au niveau de la production de la série puisque celle-ci était pensée, dès le départ, sous la forme d’un livre.

Cette rigueur fut suivie tout au long du processus de création, puisque la photographe a emprunté à l’archéologie pour s’organiser. Après avoir quadrillé une carte, elle a prospecté dans chaque parcelle en quête de sujet à photographier afin d’ajouter des thèmes à une liste qu’elle avait déjà préétabli. La photographie peut donc rendre ici hommage à l’archéologie, puisque s’il n’y a pas d’excavation du passé à travers l’image ; il y a bien un surgissement d’un fragment caché qu’il faudrait mettre à jour. Paradoxalement, la photographie a peut-être détourné Ana de l’archéologie. C’est en rencontrant certaines images qu’elle a pris conscience qu’il y avait beaucoup à montrer aussi dans le présent. C’est ce nouvel objectif qui lui a fait mettre de côté sa quête du passé.

C’est la première exposition de ce travail, qui malheureusement (et on s’en doute) rencontré peu de succès auprès des politiques, qui préfèrent miser sur l’âme paradisiaque qu’ils entretiennent. Les modèles des portraits ont néanmoins vu les images. Pourtant la biennale, qui présente des travaux et des médiums variés, est censée être celle de Porto Santo. Au moins, cette délocalisation aura le mérite de montrer Porto Santo à ceux qui ne voient pas la vie tranquille et sobre qui habite cette île.

 

EXPOSITION
Ana Marta
« Les palmiers ne sont pas d’ici »
5e Biennale de Port Santo
Jusqu’au 29 mars 2014
Fabria Braço de Prata
Portugal

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