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50 ans dans l’œil de Libé – Un livre, une exposition : Lionel Charrier, Charlotte Rotman – II

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L’intelligence humaine aux commandes II : 50 ans dans l’œil de Libé par Françoise Denoyelle

 

Une contribution à l’histoire de la photographie 

Après l’exposition arlésienne, à l’abbaye de Montmajour qui remporte un franc succès[1], revenons au livre : 50 ans dans l’œil de Libé, lui aussi plébiscité par les lecteurs. L’ouvrage s’inscrit dans une campagne commémorative et promotionnelle d’envergure. Au Numéro spécial 50 ans (18 avril 2023 52 p.) entièrement consacré au quotidien, il faut ajouter un hors-série printemps 2023, Libé 50 ans, 50 combats, de 60 pages. L’histoire avait déjà été racontée par François Samuelson : Il était une fois Libé, (Flammarion, 2007). Cette fois c’est donc la photographie, marqueur fort de l’identité du quotidien, qui est privilégiée.

Les auteurs de 50 ans dans l’œil de Libé, Lionel Charrier, Charlotte Rotman et le préfacier, Serge July sont tous trois étroitement liés au quotidien. Lionel Charrier, photographe, diplômé de l’ENS Louis-Lumière, photographe est le directeur photo de Libération depuis 2015. Il a travaillé comme photographe régulier du journal à partir de 2001. Charlotte Rotman après des études à Science Po entre au quotidien pour un stage, elle y restera comme journaliste pendant quinze ans, à partir de 2000 au service société puis au service politique. Elle est l’auteur d’essais : Retourne à la maison, Les femmes politiques face au sexisme (Robert Laffont, 2016) et 20 ans et au Front Les nouveaux visages du FN (Robert Laffont, 2014).

Serge July est l’un des cofondateurs de Libération qu’il dirige (1974-2006). Il y signe encore des articles comme chroniqueur politique (2023). Étudiant en histoire de l’art, après un bref passage à l’Union des étudiants communistes (1961-1963), il participe à la fondation de la Gauche prolétarienne, GP, (1968) et collabore à son journal, La Cause du peuple, dont la ligne éditoriale est militante (soutien aux grèves, séquestration de patrons, occupations des usines et des logements…), anti-structures organisées du mouvement ouvrier (PCF, CGT et leurs dirigeants…), pour la défense des luttes menées par des minorités militantes (immigrées, minorités linguistiques, avortement…). Enfin la ligne éditoriale de La Cause du peuple est prochinoise, provietnamienne, propalestinienne, antisoviétique, anti-américaine et anticolonialiste. July participe également à la création de l’Agence de Presse Libération, APL (1971-1973), initiée par l’écrivain Maurice Clavel et Jean-Claude Vernier, ingénieur maoïste, cofondateur de la GP, qui s’est fait embaucher comme OS chez Renault. Dans les premiers temps, l’agence est surtout une agence de textes. Elle diffuse des dépêches sur l’activité de l’extrême gauche dans un bulletin quotidien ronéotypé. Cécile Hallé, photographe au musée d’art Moderne de la ville de Paris installe le service photo. Pendant longtemps, Christophe Schimmel en est le seul photographe.

Ce rappel historique des origines un peu long s’impose puisque Libération, sorti le 18 avril 1973, est en filiation avec La Cause du peuple et avec l’APL. Benny Lévy (Pierre Victor), secrétaire de Jean-Paul Sartre à la tête de la GP demande à July de s’occuper de Libération et de succéder au philosophe après son départ (mai 1974). Dans sa préface de 50 ans dans l’œil de Libé, July revient sur cet historique : « Depuis les origines du journal, la photographie occupe une place importante dans l’histoire de Libération. Cette histoire commence avec l’APL (…) Cette agence, c’est la petite graine qui en germant va engendrer, en 1973, le quotidien Libération. Cette agence publie un bulletin journalier qui informe sur les suites, les traces et les conséquences de Mai 68[2] ».

July évoque la mort de Pierre Overney, militant maoïste et ouvrier licencié de chez Renault, abattu par un vigile de l’entreprise. Il reprend la thèse, développée alors par la GP, fondée sur un choix de photographies de Schimmel qui a pris la scène. « Les photos démentent d’emblée la version immédiate de la direction selon laquelle les vigiles auraient été en danger[3]. » Il a confié sa pellicule à l’APL. La direction de la GP diffuse six photographies[4] qui paraissent au JT du soir et mettent à mal la version de Renault évoquant la légitime défense. « Seulement, si les photographies publiées sont une preuve de la culpabilité de Traoni, elles ne suffisent pas à saisir la situation dans son ensemble (…) parmi les négatifs qui ont disparus[5], certains donnent à voir des militants en action, armés de barre de fer, de manches de pioches et de cocktails Molotov ». « La réalité est (qu’ils sont) allés là-bas pour agresser les gardiens[6] ». Pour La GP, Schimmel est un témoin encombrant. « Ces photos, on a fini par me les reprocher. Elles rappellent ce qui s’est passé, et que beaucoup ont préféré oublier[7]. » L’Agence de Presse Libération est au cœur des problématiques et des débats liées aux rapports à la violence de la GP comme moyen d’imposer sa ligne. Dans sa préface July conclut brièvement « Au-delà, c’était la révolution armée et cette foule (qui suivait le cercueil d’Overney) ne souhaitait pas, de toute évidence, s’y engager[8]. » Un constat d’échec de la ligne politique de la GP. Elle imprégna cependant les débuts du journal et bien au-delà en dépit des départs, des arrivées des journalistes et des conflits qui agitèrent la rédaction. À la création de Libération, Schimmel est renvoyé. Durant l’été, le 28 août 1973, une réunion rassemble les photographes de L’Agence de Presse Libération, du groupe Boojum Consort et des indépendants pour créer une nouvelle agence[9] en relation avec Libération. Ce sera la très politique agence Fotolib[10], moins inféodée à la GP (seuls quelques photographes en sont encore membres) que l’APL, dont July est membre du conseil d’administration et Gérard Aimé le PDG. July instaurera assez vite un style de travail fondé sur une orientation politique qui abandonne le caractère autogestionnaire au profit d’une professionnalisation. La préface de July couvre une période antérieure à la sortie de Libération, mais se termine sur l’année 1983 alors qu’il dirige le quotidien jusqu’en 2011 et qu’il se passe encore beaucoup de choses dans le traitement de la photographie, même après le départ de Caujolle en 1986.

Au-delà des éditings, que choisir, retenir, éliminer ?

Revenons à l’ouvrage de Lionel Charrier et Charlotte Rotman. Nous avons déjà évoqué l’ampleur du corpus à traiter. Ils ont choisi une présentation chronologique, simple mais efficace, que rythment les cinq décennies. Chaque module fonctionne selon le même mode opératoire et chaque partie participe, selon sa forme, à l’unité du discours. Les cinq séquences comportent chacune trente « Unes » du journal, trois icônes représentatives, suivies d’un texte très dense et fort bien documenté présentant le contexte politique, social, économique, culturel et l’histoire du journal. Un portfolio d’une trentaine de photographies majeures ou plus documentaires, en pleine page, voir en double pages, cœur du livre, accompagne ensuite les années successives. Les photographies sont souvent ponctuées (comme dans l’exposition) de commentaires du photographe recueillis par les auteurs, ce qui en augmente l’intérêt. Ces portfolios nuancent le propos des « Unes ». Le séquençage permet de mieux examiner l’évolution des thématiques alors que la photographie des « Unes » est encore en noir et blanc jusqu’en 1983.

Dans ce second article nous ne reviendrons pas sur la qualité exceptionnelle des photographies déjà évoquée dans le précédent article afin de mieux nous attacher au sens des photographies. Rappelons que les photographes sont d’abord des journalistes. Le directeur de la photographie participe chaque matin à la conférence de rédaction. La photo de « Une » proposée est toujours discutée collectivement. Avec son texte, elle constitue la vitrine du journal. Si son caractère commercial ne peut être omis, elle est néanmoins un bon témoignage de la ligne éditoriale de Libération. Les choix qu’ont fait les deux auteurs témoignent d’un travail sérieux et pertinent sur les archives, bien représentatif du corpus des clichés et des « Unes », tenant compte des contraintes de maquette qui peuvent éliminer des documents.

Chefs-d’œuvre à tous les étages, mais pour quelle ligne politique ?

Nous nous attacherons plus particulièrement aux 150 « Unes » sans revenir dans le détail de toutes les photographies des portfolios qui pourraient faire l’objet d’un travail plus fouillé tant le livre est riche, passionnant et que les lecteurs pourront faire tout à loisir pendant leurs vacances et les historiens plus tard. Les « Unes » sont très éloquentes, particulièrement pour la première décennie (1973-1983, p. 10- 11). La photographie y prend une place de plus en plus importante grâce aux choix de Caujolle et avec l’aval de July. La première (18 avril 1973) n’a pas d’auteur (photographie et texte Libération), mais elle est un éditorial à elle seule. Un groupe, qu’on imagine en lutte, écoute attentivement avec au premier plan une femme en tablier entourée de jeunes. La manchette : « La France bouge Libérons la presse »   et le texte « Nous espérons que vous vous joindrez à nous dans cette bataille dont les ouvriers de Renault, Peugeot ou de l’aéronautique toulousaine, dont les femmes en lutte pour un avortement libre et gratuit dont les lycéens exigeant le sursis… constituent déjà les gros titres. » confirment la signification. Née sous la bannière des luttes ouvrières et sociétales, comment se poursuit la ligne éditoriale ?

Deux « Unes » se détachent. Le numéro spécial Mao et celui sur la mort de Jean-Paul Sartre, deux figures tutélaires du journal, deux portraits en pied d’hommes statique ou marchant, mais solitaires dans l’immensité. Deux autres se font écho « Ranucci décapité. Le crime de l’État » au- dessus de la photographie officielle de Valéry Giscard d’Estaing par Jacques-Henri Lartigue et « Peine de Mort pour la guillotine » au-dessus du dispositif installé dans une cour de prison. Les luttes sociétales marqueront le positionnement à gauche du journal. Le suicide collectif d’Andreas Baader, chef de l’organisation terroriste allemande, Fraction armée rouge, et de trois autres complices est titré : « La fin du groupe Baader. La Mort dans l’âme » et accompagné de quatre portraits d’identité de ceux qui, contrairement à la GP dissoute, avaient choisi la violence comme expression politique. July avait rencontré Baader à Paris (1969) et Sartre lui avait rendu visite dans sa prison de Stuttgart (1974). Autant de jalons qui marquent l’histoire du journal, de ses engagements, de ses ruptures.

Les sujets qui reviennent à la « Une » sont ceux des difficultés financières du journal, les grèves et luttes sous la bannière de l’autogestion (Larzac, ORTF, Lip). Les hommes politiques français sont peu présents. Un portrait détouré de Pierre Mendès France annonce les « Unes » nécrologiques en forme d’affiche qui vont se multiplier. Celui de François Mitterrand levant le pouce en autostoppeur avec la manchette : « Enfin l’aventure » déroute. Son portrait, en gros plan dans la lucarne de la télévision, indique qu’il vient d’être élu Président de la République. Ce titre ambiguë ne s’explique que par le fait que Libération reprend sa publication après deux mois et demi d’arrêt. Le coté frondeur du journal (dans la lignée d’autres publications satiriques de l’époque) s’affirme en plusieurs occasions. Il naît d’un décalage entre la photographie très conventionnelle et la manchette (photographie du pape descendant la passerelle d’un avion accompagné de : « Le pape à Paris et pape à ti et pape à la ta et pape à la tati et pape à tata ». Le ton persiffleur et moqueur se retrouve dans un photomontage du couple princier Charles et Diana en amoureux transis, Diana affichant une poitrine totalement nue et Libération se transformant dans son logo en Royal Libération. Le traitement de la politique étrangère est pro-palestinien (photographie de cadavres de civils), anti-américain (Américains quittant le Vietnam), anti- soviétique (portraits à charge de Staline, de Brejnev), soutien à Solidarnosc, (montage photo d’un char écrasant le logo du syndicat polonais).

50 ans plus tard (20013-2023, p. 258-259), fini le persiflage, la provocation. Un bodybuildé, accroupi, jambes écartées apostrophé par un « Passe ton QR code d’abord » rappelant la nécessité du passe-sanitaire pour se déplacer, peine à faire sourire. L’année 2013 commence pourtant très bien. Libération commande la « Une » aux artistes Pierre et Gilles : photo d’un couple avec tenue et bouquet de mariage sous le regard bienveillant d’une pseudo photo officielle de François Hollande. Mais la décennie est au tragique à l’intérieur comme à l’étranger et les « Unes », par leurs images et leurs textes, sonnent souvent le glas. Attentas. On n’est plus à l’époque des utopies, du poing levé des travailleurs de Lip en grève fêtant Noël. Une main solitaire sur fond neutre affichant sa solidarité sur son affichette « Je suis Charlie » répond à l’horreur et quand s’en est trop, le texte s’efface. Juste un bouquet de roses et le losange de Libération perd son emblématique couleur rouge en signe de deuil. « Une » en noir d’un faire-part. Les luttes, grèves, ont presque disparues des « Unes » retenues. Une photographie, sans grand intérêt, prise en studio rassemble des actrices, cinéastes, humoristes productrices… « On a subi. On s’est tues. Maintenant on agit. » pour signifier le mouvement « Me Too ». Une autre, dans un photomontage, synthétise le pouvoir face à la vague contestatrice des Gilets jaunes. Sur fond jaune émerge l’œil et la joue de celui que l’on reconnait comme étant le Président de la République (son nom n’est pas cité) avec la manchette « Submergé ». Mais aucune image du collectif, de la solidarité sur les ronds-points. Les « Unes » les plus fortes concernent les violences policières avec un gros plan sur un visage tuméfié. « Violences policières » est renforcé par un gigantesque « La nausée ». Une autre concerne « Les enfants d’Assad » victimes d’attaques chimiques du régime syrien. Faut-il montrer une photographie de cadavres d’enfants ? Courageusement la rédaction en assume la décision. À quoi cela sert-il de dénoncer un crime ? Une autre « Une » semble y répondre. « Chaque jour, deux Aylan ». Après la photographie du petit Syrien trouvé noyé sur une plage début septembre qui avait ému et indigné une grande partie de la planète, Libération rappelle à ses lecteurs que depuis (5 novembre 2015), « au moins 108 enfants ont perdu la vie en mer Égée dans l’indifférence générale ». Les photographies ont elles une quelconque utilité ? Mais ne pas les publier, n’est-ce pas poser la chape de plomb de l’ignorance qui justifie l’indifférence ?

Les « Unes », nécrologiques se succèdent, presque toujours en noir et blanc, des photographies anciennes des disparus avec des jeux de mots, comme des clins d’œil qui rappellent aux lecteurs leur propre jeunesse ou les œuvres des artistes. Halliday : « Salut les copains », « Lagerfeld se défile », « Sans toi Varda ». « Klein Deuil » accompagne la photographie la plus célèbre de William Klein, « Gun » un enfant new yorkais jouant avec un pistolet (1954). Une exception est faite pour Jacques Chirac. « Sans Chichi » avec un portrait en couleur. Une main, marquée par la vieillesse, occulte le visage de profil. Un adieu à « un bon client ». Jean-François Campos qui a suivi sa campagne présidentielle (1995) déclare : « Donné perdant d’emblée, c’était le looser magnifique (…) Les photographes, les journalistes, à force on était devenu comme une petite famille. Je crois que nous l’admirions d’une façon ou d’une autre, sans tous partager ses points de vue. J’ai pleuré à sa disparition[11]. » Chirac est l’homme politique le plus représenté dans l’ouvrage (4 « Unes » et 3 photographies dans les portfolios). Dans les 30 « Unes » de cette dernière série (20013-2023), aucun homme de gauche n’y figure. Emmanuel Macron en compte trois dont un portrait après son élection avec un surprenant « Bien joué » et une autre où il courre (après les électeurs de gauche si l’on en croit la manchette) : « Chéri, j’ai oublié les électeurs de gauche. » Marine Le Pen[12], photographiée de dos après son échec aux présidentielles, est illustrée par un « Bien Fait » une expression dont le sens est à la fois négatif et positif. (Bien fait, l’échec ; bien fait le score ?).

Dans l’ensemble de l’ouvrage, La droite rassemble 12 « Unes » et 15 photographies en portfolio (Valéry Giscard d’Estaing, Philippe Séguin, Raymond Barre, Jacques Chirac, Alain Juppé, Édouard Balladur, Jean Tiberi, Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron); la famille Le Pen totalise 3 « Unes » et 6 photographies auxquelles il faut ajouter un portrait d’Éric Zemmour, soit 10 photographies pour l’extrême droite. La gauche socialiste est présente dans 8 « Unes » et 10 photographies (François Mitterrand, François Hollande, Lionel Jospin, Pierre Mendes France, Michel Rocard, Pierre Bérégovoy, Dominique Strauss Kahn, Ségolène Royal, Manuel Vals). Le reste de la gauche et de l’extrême gauche est représenté par deux photographies : Georges Marchais par Jean Claude Coutausse qui la commente : « Libé te laisse une liberté immense pour t’exprimer et t’adresser à un lecteur que tu connais. Cela permet de faire des images qui se démarquent. Comme ici avec la photo de Marchais dont on ne voit que les sourcils[13] » (p. 90). L’autre est un hologramme de Jean-Luc Mélenchon par Boby qui déclare : « À l’époque (février 2017) Mélenchon grimpait dans les sondages. (…) Je voulais faire cette photo de lui surexposée par rapport au reste de la salle. Comme un être céleste, une caricature de chef suprême » (p. 293). Le texte « Vers le monde d’après » (2013-2023, p. 267) a beau faire état de débats au sein de la rédaction « Comme toujours, les tumultes de la scène politique agitent aussi la rédaction. La gauche est plurielle ? « Et bien soyons pluriel. » Ce défi n’est pas relevé dans les « Unes », pas plus que dans les portfolios. Il n’y a pas un seul responsable syndical, pas une seule « Une » consacrée à Georges Séguy, Henry Krasucki, Bernard Thibault, Philippe Martinez (CGT), Edmond Maire, Jean Kaspar, Nicolle Notat, François Chérèque, Laurent Berger (CFDT) ou bien encore André Bergeron, Jean-Claude Mailly (FO) et Gérard Alaphillipe, Monique Vuaillat (SNES). Les têtes d’affiches et les occasions ne manquaient pourtant pas. Les femmes, reflet de la société patriarcale, à Libération comme ailleurs, sont très minoritaires. Sur 60 portraits nominatifs en « Une », seulement 12 sont consacrés à des femmes, majoritairement des actrices, chanteuse pour des nécrologies (Simone Signoret, Marlène Dietrich, Barbara, Marie Trintignan) puis viennent trois femmes politiques ( Margareth Tatcher, Marine Le Pen et Ségolène Royal), trois écrivaines (Simone de Beauvoir, Françoise Sagan et Annie Ernaud), une journaliste (Florence Aubenas) et une princesse( Lady Diana), mais pas Simone Veil, alors que Libération a milité dès son origine pour le droit à l’avortement, mais pas Arlette Laguiller, première femme à se présenter aux présidentielles, six fois de suite candidate et députée européenne (1999), mais pas Édith Cresson première femme Premier ministre en France, mais pas Christiane Taubira artisane de la loi sur le mariage pour tous pourtant défendue et célébrée par le quotidien. Les hommes de sciences, grands intellectuels sont encore plus absents (Jacques Lacan, et Lévi-Strauss). Les chercheurs français ont pourtant obtenu de très nombreux prix Nobel entre 1977 et 2022 (7 en physique, 5 en médecine, 4 en chimie et 4 en économie auxquels il faut ajouter 9 médailles Fields (mathématiques) entre 1982 et 2014.

Ces choix de Libération pour ses « Unes » que traduisent les deux auteurs sont à nuancer par l’idée de choisir toujours la meilleure photographie qui a pu éliminer quelques hommes politiques, quelques femmes peut être présents dans d’autres « Unes », mais c’est plutôt des tendances qui émergent et qu’il faut retenir et saluer le travail, passionnant et difficile, accompli[14]. Nul doute qu’il enchantera, déplaira, mais constitue un témoignage exceptionnel sur la photographie dans un quotidien en direction du grand public, ce qui fait son originalité, son intérêt et sa force.

Françoise Denoyelle

 

Exposition
50 ans dans l’œil de Libé
Commissaires : Lionel Charrier, Charlotte Rotman

Exposition à l’abbaye de Montmajour
Jusqu’au 24 septembre de 10h à 17 h

 Livre
50 ans dans l’œil de Libé
Lionel Charrier, Charlotte Rotman
Préface de Serge July
Paris, Seuil, 2023, 335 pages, 39,90 Euros
https://www.seuil.com/ouvrage/50-ans-dans-l-oeil-de-liberation-charlotte-rotman/9782021510652

 

[1] Sur le traitement des archives photographiques par les auteurs et le rôle fondamental de Christian CAUJOLLE on se reportera au premier texte sur l’exposition, « L’intelligence humaine aux commandes I : 50 ans dans l’œil de Libé » publié dans L’œil de la Photographie, le 19 juillet 2023.

[2] Serge JULY, 50 ans dans l’œil de Libé, p. 8

[3] Ibidem.

[4] Le nombre de photographies réalisées reste incertain, 27 ? 46 ? Voir à ce sujet Marine NARCISSE, Naissance de l’agence photographique Fotolib, entre militantisme et professionnalisation. 1971-1974. Mémoire de master 2, Histoire de la photographie, Université de Paris 1, Panthéon-Sorbonne, p. 34.

[5] Sur l’histoire des négatifs, des tirages et des droits d’auteurs de ces images voir : Édouard LAUNET, « Tombés pour les maos », in Libération, 18 novembre 2008, n. p. [en ligne] ainsi que Marine NARCISSE, op.cit.

[6] Ibidem.

[7] Ibidem.

[8] Serge JULY, op. cit.

[9] Marine NARCISSE, op. cit. p. 38.

[10] Voir à ce sujet le chapitre consacré à l’Agence de Presse Libération et à l’agence Fotolib, in Françoise DENOYELLE, Les agences photo, une histoire française, Les Éditions de Juillet, 2023.

[11] Jean-François CAMPOS, 50 ans dans l’œil de Libé, p. 156.

[12] C’est en fait la quatrième de couverture qui répond au « Bien joué « de MACRON.

[13] En vis-à-vis de cette photographie une autre de COUTAUSSE, prise quelques mois plus tard (octobre 1985) chez Renault en grève, est ainsi commentée alors qu’il se trouve dans un café et qu’arrivent des ouvriers : « « Tu travailles pour qui ? » J’ai répondu « Pour Libé » Je pensais naïvement que venant d’un journal de gauche, ils seraient contents de me voir. Et le mec m’a répondu « Dehors » ».

[14] Il aurait été judicieux de consacrer une page pour légender les « Unes ». Dans 50 ans et même surement avant, qui saura que l’œil d« submergé », c’est celui du Président Emmanuel MACRON ?

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