En 1998, Jérôme Sans, critique d’art et commissaire d’exposition, est nommé conseiller artistique du prix HSBC pour la photographie (à l’époque appelé le prix de la Fondation CCF pour la photographie). Pour cette troisième édition, ce sont le photographe yougoslave Milomir Kovacevic et l’Américain Seton Smith qui remportent le prix. Aujourd’hui, nous revenons sur le sujet en noir et blanc de Milomir Kovacevic sur les prisons yougoslaves, La part de l’Ombre, l’occasion pour nous de l’interroger sur cette expérience et de nous parler de sa carrière depuis lors.
Dans le cadre de la rétrospective des 20 ans du prix HSBC pour la photographie, L’Œil de la Photographie vous présente chaque semaine 2 épisodes et vous fait ainsi découvrir ce que sont devenus les lauréats qui ont écrit l’histoire de ce prix.
L’Œil de la Photographie : Le prix HSBC pour la photographie fête ses 20 ans. Il est remis chaque année à deux artistes pour les aider à développer un projet et fait l’objet d’une exposition et d’une monographie, souvent la première. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Milomir Kovacevic : Cela n’a pas changé mes habitudes. J’ai conservé mes méthodes de travail, que j’ai élaborées depuis longtemps déjà et qui m’ont construit. Cependant, cette distinction est très importante pour moi, car elle représente un encouragement précieux, qui m’a confirmé que j’étais sur la bonne voie.
LODLP : Pouvez-vous nous parler du projet qui a été récompensé ? Le prix a-t-il eu une influence sur votre création depuis ?
M. K. : Cette participation n’a pas eu d’influence directe en tant que telle. C’est le projet lui-même qui a construit ma méthode de travail. D’abord, il fallait aller très vite. Nous ne disposions que d’un jour pour chaque prison. Je devais prendre des décisions rapides tout en travaillant calmement. Cet ensemble de photographies (environ 500 vues) ne représente que six jours de ma vie, mais constitue pour moi une expérience très forte.
LODLP : Outre la publication d’une première monographie, quel impact le prix a-t-il eu sur votre carrière ? Aujourd’hui encore quels sont vos rapports avec HSBC ?
M. K. : Le fait de publier un livre et d’organiser une exposition constitue un apprentissage permettant de valoriser mon travail et de le présenter à un public plus large.
L’existence d’une telle fondation permet d’être informé des expositions en cours et favorise la création et le développement d’un réseau d’acteurs de la photographie, avec lequel on peut développer des contacts.
Les conséquences sont nombreuses et très positives. Cela permet de multiplier les rencontres dans le milieu de la photo, sans parler des responsables de la Fondation et des autres lauréats, dont certains sont devenus des amis.
« Le travail de Milomir Kovacevic est intéressant par la manière dont il parle de l’autre (…). Ces photographies sont de très rares documents sur les prisons yougoslaves de cette époque et dénoncent un système de détention rigide et archaïque, dernier bastion d’une idéologie totalitaire, mais leur intérêt réside essentiellement dans leur qualité physique et picturale. Aujourd’hui réfugié politique en France depuis 1995, il travaille sur une autre exclusion qui est la sienne, l’immigration. »
Jérôme Sans, conseiller artistique, 1998.
LIVRE
Monographie Milomir Kovacevic
La part de l’Ombre
Editions Actes Sud
ISBN : 2-7427-1813-3