Ce sont les deux photographes français, Laurence Leblanc et Mathieu Bernard-Reymond qui ont remporté l’édition 2003 du Prix HSBC pour la photographie, alors encore appelé Prix de la Fondation CCF pour la photographie. Cette année là, la mission de conseiller artistique avait été confiée à Giovanna Calvenzi, directrice de la photographie pour le magazine « Sportweek« . Pour cette huitième semaine, c’est donc aux deux lauréats 2003 que nous donnons la parole, Laurence Leblanc nous raconte son expérience vécue lors de cette nomination et nous parle de sa carrière menée depuis lors.
L’Œil de la Photographie : Le prix HSBC pour la photographie fête ses 20 ans. Il est remis chaque année à deux artistes pour les aider à développer un projet et fait l’objet d’une exposition et d’une monographie, souvent la première. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Laurence Leblanc : Cela a été pour moi une formidable opportunité pour montrer la totalité de ce travail. En effet certaines photos avaient déjà été montrées et acquises par des collectionneurs au sein de la galerie VU’. Le livre a permis une nouvelle visibilité, plus complète.
Mes plus fortes expériences artistiques ont toujours été lorsque je découvre l’ensemble d’une réflexion, d’un point de vue. Il m’est nécessaire d’être saisie, étonnée, mise à mal, c’est alors pour moi à ce moment précis que l’on dépasse la surface des choses.
L’expérience du livre reste très importante, elle est une nouvelle manière d’appréhender son travail, de se poser de nouvelles questions et de tenter d’y répondre. Aussi c’était une occasion pour moi de remercier des personnes importantes dans mon parcours. C’est pourquoi j’ai demandé à Peter Gabriel d’écrire la préface puis nous avons mis en page ; avec la complicité de Christian Caujolle ; une forme de dialogue avec le cinéaste cambodgien Rithy Pahn. .
LODLP : Pouvez-vous nous présenter le projet qui a été récompensé ? Vous avez continuez d’explorer ce travail, pouvez vous nous en parler ?
L.L. : Le projet récompensé a été réalisé au Cambodge entre 1999 et 2001 avec l’aide de la Villa Médicis Hors Les Murs. (Il faisait suite à une première série où je m’interrogeais sur le monde de l’enfance avec des photographies prises en France et au Maroc ). Au Cambodge je me suis demandée comment un enfant grandit, se confronte face à une réalité, où l’incompréhension du passé , les cauchemars, les traces de l’horreur sont omniprésents. Trois volets viennent compléter ce premier travail. Le deuxième sur « les nonnes » où je questionne les femmes, la fin de vie et la spiritualité. Le troisième volet « rendons le possible » où je me demande quelle est la nature de nos échanges aujourd’hui ?. Habitée par cette phrase de Jean de La Bruyère : « Il faudrait envisager le donner – et – recevoir comme un échange naturel, quelque chose qui se produit tout simplement ». En 2013 j’ai réalisé un quatrième volet : « D’argile ». Je suis allée à la rencontre de figurines modelées dans la glaise pour le film « L’Image manquante » du cinéaste cambodgien Rithy Pahn. Ces visages de la taille de l’ongle de ma main sont immobiles figés et pourtant ils nous rappellent et nous appellent.
LODLP : Depuis cette nomination, quels ont été les moments forts de votre carrière ? Aujourd’hui encore quels sont vos rapports avec HSBC ?
L.L. : Tout d’abord l’immense joie d’avoir continué à collaborer avec Actes Sud pour la réalisation en 2009 de mon deuxième livre : « Seul l’air » (réalisé en partie sur le continent africain) Ce travail sera exposé à cette occasion aux 40ème Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles.
Une carte blanche pour les Ateliers de création radiophonique sur France Culture , un petit film qui devrait être finalisé d’ici peu, des workshops en France et à l’étranger (Bangladesh, Liban). Une collaboration étroite avec le Musée Niépce et beaucoup d’autres moments.
J’ai toujours gardé des relations très amicales avec l’équipe d’HSBC. Depuis douze ans nous avons un rituel c’est de nous retrouver tous les ans à Arles, malheureusement dans l’année, c’est un peu plus difficile par manque de temps, j’essaye toujours d’aller à l’annonce des nouveaux lauréats.
« En commençant son travail sur l’enfance au Cambodge, Laurence Leblanc se pose une question difficile : comment tous ces enfants peuvent-ils vivre avec le poids de la mémoire et les traces quotidiennes des massacres ? Elle choisit de se confronter aux gestes de l’enfance, de comprendre et de reconstruire, à travers la photographie, la réalité de ce pays où l’incompréhension du passé, les cauchemars, les traces de l’horreur sont omniprésents. Laurence Leblanc ne témoigne pas, elle interprète. Les gestes peuvent-être joyeux et les jeux des enfants se chargent, dans ses images, de tension et de souffrance. Son récit crée un monde onirique douloureux habité par de petits fantômes innocents qui semblent vouloir émerger, se libérer d’un cauchemar. »
Giovanna Calvenzi – Conseillère artistique 2003
LIVRE
Rithy, Chéa, Kim Sour et les autres
Monographie Laurence Leblanc
Editions Actes Sud
ISBN : 2-7427-4495-9
21,50€