Le caractère historique d’un lieu hanté par l’esprit des chevaliers de l’Ordre de Malte associé au devenir d’une demeure d’artiste, consacre l’ambiance baroque d’un édifice devenu musée en 1868. Jacques Réattu, replié derrière ces murs de 1796 à sa mort, avait gravé au fronton de l’entrée du bâtiment la devise Nulli Labor Fallax, « le travail ne trahit personne ». Artiste républicain engagé, militant des droits de l’Homme, il érigeait ici un temple dédié à la liberté d’expression artistique où, seul, face à son travail acharné, il ne serait plus trahi.
Katerina Jebb n’a pas dérogé à l’attrait du lieu. Franchissant le seuil de ce territoire, elle entrait dans l’univers Réattu entraînée par Christian Lacroix en 2008. La sensualité du textile, des matières et des couleurs y trouvait alors un épanouissement magnifiquement orchestré par le couturier arlésien qui avait investi de son univers créatif la totalité des salles d’exposition.
Par la suite, les œuvres de Katerina Jebb ont continué de prendre sens au musée, à travers notamment une série spectaculaire de huit photographies intitulées Untitled Icon. Elle y décline l’esthétique singulière d’une recherche plastique où textiles et corps se mêlent, composant de mystérieuses idoles flottantes vêtues de robes de Christian Lacroix.
L’usage exclusif d’un scanner numérique détourne un outil de reproduction industriel et impose des images désormais affranchies de l’une des plus importantes conquêtes de l’art : la perspective. Dans l’oeuvre de Katerina Jebb, l’idée de reproduction en trois dimensions s’efface au profit d’un hyperréalisme des matières et des chairs. Cette recherche esthétique singulière s’insère parfaitement dans le développement des collections du musée qui s’attache à la photographie plasticienne.
Par ailleurs, l’intérêt de l’artiste pour les reliques de l’histoire à travers des sujets tels que des lettres manuscrites de Marie-Antoinette ou la veste de Napoléon, répond à la nature historique des lieux et des collections. Cette recherche obsessionnelle des traces de l’homme s’applique avec la même pertinence aux vestiges d’ateliers d’artistes comme Picabia, Duchamp ou Balthus, renouvelant ainsi, en image, le concept du « ready-made ».
Il s’agit du premier projet d’exposition monographique consacré à l’artiste dans un musée. 60 oeuvres seront réunies dans un espace historique de 332 m2 incluant la chapelle du Grand Prieuré de l’Ordre de Malte. Le titre, Deus ex machina, évoque la magie d’œuvres nées de la lumière froide d’une machine à laquelle Katerina Jebb concède le pouvoir quasi divin de la création plastique.
Pascale Picard, commissaire d’exposition
EXPOSITION
Deus ex machina
Katerina Jebb
du 2 juillet au 31 décembre 2016
Musée Réattu
10 rue du Grand Prieuré
13200 Arles
France
[email protected]
http://www.museereattu.arles.fr