Nous vous l’annoncions la semaine dernière, l’artiste Zoulikha Bouabdellah décidait de ne pas présenter son installation Silence dans le cadre de l’exposition collective Femina ou la réappropriation des modèles, qui se déroule au Pavillon Vendôme de Clichy jusqu’au 26 avril, à la suite de l’intervention d’une association religieuse musulmane qui se disait choquée. Nous publions aujourd’hui la lettre de Stéphane Magnan, directeur de la galerie Les filles du calvaire, en réponse à celle du maire de Clichy, Monsieur Gilles Catoire.
Lettre d’information sur l’issue de l’exposition Femina ou la réappropriation des modèles, au Pavillon Vendôme à Clichy-la Garenne.
L’artiste Zoulikha Bouabdellah a renoncé définitivement à montrer son installation Silence. Voici à nouveau ces propos rendus publics jeudi 29 janvier au matin sur son compte Facebook :
« Devant l’absence à ce jour de réponses claires de la municipalité de Clichy-la-Garenne quant aux modalités de réintégration de l’installation Silence (conditions de sécurité et mise en place d’un dialogue avec le public), j’ai pris la décision de retirer ma pièce Silence de l’exposition Femina programmée au Pavillon Vendôme, et ce de manière définitive.
Je ne souhaite pas que la polémique nuise davantage à la manifestation et demande en conséquence aux autres artistes participantes de bien vouloir raccrocher leurs œuvres. Je les remercie de leur soutien et les prie de respecter ma décision. Je précise que nul n’est habilité à parler en mon nom ni à m’attribuer des déclarations tendancieuses. Ma décision n’est pas motivée par la peur et elle n’est en aucun cas dirigée contre la Fédération des associations musulmanes de Clichy, qui a semble-t-il fait son travail en alertant la mairie de la possible survenue d’incidents liés à la présentation de l’installation.
Je n’ai pas conçu Silence pour choquer ou provoquer mais en vue d’ouvrir un dialogue avec tous les publics. Je suis convaincue que le rôle de toute œuvre est d’être discuté. A ceux qui m’accusent d’avoir programmé cette polémique, je rappelle enfin que l’installation existe depuis sept ans et qu’elle a voyagé dans le monde entier, sans jamais avoir causé la moindre controverse ».
Après la réception de cette communication, que nous avons transmise aux autres artistes, nous avons récolté leurs souhaits respectifs et la majorité d’entre elles demande le retrait de leurs œuvres, ce que nous entendons et soutenons.
Dès le 2 Février, des œuvres seront décrochées et restituées aux artistes qui le demandent, et pourront être remplacées par un communiqué qu’elles nous transmettront, mis à la disposition du public du Pavillon.
Au communiqué de presse de Monsieur le maire Gilles Catoire, publié mardi après-midi, le 27 janvier, où il renvoyait l’artiste et les commissaires à leur liberté d’expression, nous répondons que les conditions de son exercice n’avaient pas été réunies, ou si elles l’étaient, comme il l’a prétend u publiquement six jours après le vernissage, il aurait dû les communiquer à temps aux organisateurs.
Il semble nécessaire de rappeler que les organisateurs qu’il accuse à présent « de graves défaillances dans la préparation de cet événement », ont, par le biais de son élu à la culture, tenté en vain de le joindre pour connaître ces dispositions la veille du vernissage. Le manque de soutien du premier représentant de la ville le jour de l’ouverture de l’exposition s’est illustré par son absence, contrairement au soutien affiché des représentants la DRAC et du Ministère de la culture présents ce jour d’ouverture, en appui aux artistes. Nous refusons donc toujours d’avoir à assumer en l’ espèce les responsabilités politiques du premier magistrat de la ville de Clichy-la-Garenne, Monsieur Catoire, qui cherche à s’en défausser.
A l’ensemble des allégations contenues dans la lettre qu’il a adressée le jeudi 29 janvier à Stéphane Magnan , depuis l’Institut du monde arabe à Paris nous informe-t-il, nous ne prendrons pas la peine de répondre, tant l’accumulation de mises en causes inacceptables et d’inexactitudes nous semble choquante.
Nous nous associons à la réponse publique que Stéphane Magnan lui adresse et que nous vous transmettons ci-dessous.
Charlotte Boudon & Christine Ollier.
Lettre ouverte de Stéphane Magnan, directeur de la galerie Les filles du calvaire , en réponse à celle du maire de Clichy, Monsieur Gilles Catoire.
Monsieur le Maire ,
Merci d’avoir bien voulu enfin vous exprimer le 29 janvier, alors que les organisateurs de l’exposition Femina vous sollicitaient depuis le 17 janvier.
Malheureusement, votre lettre comporte un grand nombre d’inexactitudes et de contre-vérités :
– Il est faux que les commissaires et les artistes viennent habituellement vous présenter leurs projets ; en tous cas, ça n’a pas été le cas pour l’exposition de Dorothée Smith et de Laura Henno, qui ne vous ont vu qu’à leur vernissage respectif.
-Il est faux que la date et l’heure du vernissage de Femina ait été fixée pour respecter l’emploi du temps de l’artiste Zoulikha Bouabdellah ; elle a au contraire été fixée pour que vous puissiez être présent après avoir interrogé les services compétents. Vous n’êtes cependant pas venu, invoquant d’autres priorités.
-Il est faux que vous ayez donné instruction formelle écrite à Nicolas Monquaut, votre adjoint à la culture, de maintenir le programme d’exposition inchangé à la suite de la lettre de mise en garde de la FEDAM, qui a suscité la vive inquiétude des organisateurs et de l’artiste.
-Vous n’avez pas informé les organisateurs, alors que vous avez été sollicité à de nombreuses reprises à ce sujet entre le 19 et le 23 janvier, de prétendues dispositions prises à votre demande par le maire adjoint à la sécurité et la Préfecture pour assurer le bon déroulement de l’exposition.
-Il est faux que Stéphane Magnan vous ait demandé l’autorisation d’exposer l’œuvre Silence de Zoulikha Bouabdellah, ceci n’étant pas (comme vous en convenez) de votre ressort mais il vous a demandé d’assurer et d’assumer les conditions de sécurité et de dialogue pour qu’elle puisse être montrée.
L’ensemble de ces contre-vérités que vous exprimez enlève toute crédibilité aux bonnes intentions que vous énumérez sous forme de regrets : « Nous aurions pu… si… ». Eh oui Monsieur le maire , nous aurions pu tout ça si vous aviez été présent avec les organisateurs face aux mises en garde, en assumant votre responsabilité.
Nous comptons sur vous pour apporter le plus formel démenti à votre accusation , bien peu crédible elle aussi, de « graves défaillances et de carence des organisateurs de l’exposition Femina », alors que ce lamentable épisode de mise à mal de la liberté et de la démocratie est essentiellement la conséquence de votre absence physique et téléphonique aux moments importants dans la semaine qui a précédé le vernissage de l’exposition.
Nous laissons au lecteur attentif le soin de décider qui dans cette histoire est aux abonnés absents et qui est dans la tradition de Joseph Fouché dit “la girouette”.
Stéphane Magnan
EXPOSITION
Femina ou la réappropriation des modèles
Jusqu’au 26 Avril 2015
Sous le commissariat de Charlotte Boudon, Guillaume Lassere et Christine Ollier.
Avec les œuvres de Pilar Albarracín, Zoulikha Bouabdellah, Nina Childress, Béatrice Cussol, Hélène Delprat, Lydie Jean-dit-Pannel, Carmela Garcia, Laura Henno, Mwangi Hutter, Karen Knorr, Ellen Kooi, Katinka Lampe, Iris Levasseur, Paloma Navares, ORLAN, Esther Teichmann, Trine Søndergaard, Brigitte Zieger.
Pavillon Vendôme – Centre d’art Contemporain
7 rue du Landy
92110 Clichy
France