Sorties d’un tiroir, d’un coté des épreuves en « Polaroïd » d’images personnelles aussi improbables qu’intimes dans leur expression, de l’autre bord une collection de cibles de tirs usagées et décrépites à plus d’un titre.
Voilà que tous ces témoignages s’invitent dans une sorte de danse planétaire de circonstance. Le plus sage est de laisser le créateur et réalisateur de cet ensemble, avec sa célèbre plume poétique, Jean Marie Gleize, expliquer son cheminement.
«Il y a la question des images.
Le culte des images, les “merveilleuses images”, les belles pages dans les beaux livres, les strophes. L’hypnose.
Et puis il y a les murs d’images, le flux continu des images, le plein écran saturé. En réponse à quoi très tôt j’ai opposé l’écriture, la poésie d’après la poésie, la poésie sans images. Dure et droite, ou plate, ou neutre. Je sais qu’elle “n’existe pas”, mais les images, elles, insistent, pénétrantes, obsédantes, dominantes. Et bruyantes.
Les cibles étaient clouées aux branches des arbres dans le jardin clos, carré comme une feuille de papier. Certaines au sol, déjà salies et froissées dans l’herbe. Tirées à balles réelles, percées jusqu’au blanc, jusqu’à la nudité du carton. Et c’était comme tirer sur les images, les traverser violemment, les détruire. Et j’ai ramassé les cibles, les ai emportées pour les déchirer, en recoller les fragments, les maculer d’encre rouge (le sang des images et des mots).
Et les cibles se sont à leur tour enfoncées dans la nuit du temps, perdues entre les pages d’un dossier et retrouvées bien plus tard, comme intactes, témoins d’un moment où s’était engagé le corps, dans ce conflit des mots et des images».
Ecrit par Thierry Maindrault
Jean-Marie Gleize : Les Cibles
du 17 avril au 22 mai 2021 de 11h30 à 19h00.
Zoème
éditeur – galerie – librairie
8 rue vian, 13006 MARSEILLE
