En Somme
Alexa Brunet / Transit
Dans le département de la Somme, entre Albert, Péronne et Chaulnes, j’ai suivi pendant une année les jeunes d’une région oubliée « aux coquelicots joliment fanés ». Ce travail s’inscrit dans un cycle de résidences sur le monde rural en partenariat avec Diaphane, pôle photographique en Picardie 2.
« J’habite à Albert, une ville fleurie dévastée par la guerre, une zone urbaine mais campagnarde, les partisans lepénistes sont de garde. Il y en a pour tous les goûts : tu verras toujours un vieil ivrogne pour aller boire un coup, une fontaine marbrée, un cimetière en ciment. Y’a aussi un paintball fermé, un skatepark complètement isolé. Y’a des cafés blindés où on se bourre la gueule et une boîte pourrie où on se pète la gueule. Y’a des coiffeurs, des boulangeries, des coiffeurs, des PMU à côté des coiffeurs, un toiletteur fermé pour être coiffeur, à Albert niveau coiffure y’a de quoi faire. T’as le bonjour d’Albert, d’où que tu sois on t’accueille les bras ouverts. Tu veux un bol d’air, te prive pas on en a des chaudrons entiers. Dans cette ville y’a pas moins de 10 000 habitants, la chaleur du brésil avec 10 degrés t’es content, un climat pourri mais quand je regarde le ciel, comment veux-tu que je crois en Dieu, je crois même pas au soleil. Ici je sais pas ce que tu peux faire à part visiter une basilique et un musée de guerre. Y’a des vieux dans tous les coins, des fleurs dans chaque allée. Le pays du coquelicot est joliment fané. J’ai vu pire que ta cité, joue pas les martyrs vieux ça s’appelle Albert, et c’est la banlieue de la banlieue. Au pays du fumier tu fais le malin, tu parles le fermier tu te réveilles dans une botte de foin. À l’horizon des ronds-points, rien à faire sauf des tentatives de suicide à la pierre. Tu te sentiras comme une vache laitière, tu verras quand une bergère te fera faire pim-pom sur le chiouahoua. »1
1 Extrait de l’album « T’as l’bonjour d’Albert » du groupe de hip-hop albertin Keep It Real.
2 www.diaphane.org