Empruntant à la technique de colorisation du cinéma des années 40, Youssef Nabil crée depuis 1992 une oeuvre singulière qui interroge sentiments d’exil et d’appartenance, nostalgie d’un Orient heureux et idéologies contemporaines.
Youssef Nabil crée ses premières œuvres au Caire, sa ville natale, en 1992. Empruntant à la technique de colorisation avec laquelle il s’est familiarisé auprès des derniers portraitistes qui la pratiquaient en Egypte au début des années 90, il projette le visiteur dans un monde fantasmé où certaines icônes du cinéma et de l’art contemporain : Fanny Ardant, Salma Hayek, Natacha Atlas ou encore Tahar Rahim apparaissent tels des mirages. À la prise de vue souvent préparée par un synopsis écrit succède l’intervention de l’artiste à l’aquarelle, au pastel, ou à l’huile directement sur le tirage.
Emblème d’un âge d’or où l’Égypte apparaît comme un phare de la modernité et de la liberté, le cinéma des années 40-50 symbolise un passé glorieux mais déchu. En recréant son atmosphère colorée, Youssef Nabil insuffle aux stéréotypes orientalistes d’un cinéma passé la nostalgie et la sensualité vague du souvenir.
Faisant fi des revendications d’identité, l’œuvre de Youssef Nabil souhaite incarner un monde « méditerranéen » sans frontières, où le voile arboré par Catherine Deneuve ou Isabelle Huppert n’est plus le sujet d’un débat d’actualité mais retrouve la douceur des Madones de la Renaissance. Dans ses autoportraits, la silhouette de l’artiste vêtu d’une djellaba blanche, toujours de dos, couché sur le sol ou debout semble devenue un signe presque abstrait. Un dialogue subtil naît entre les photographies où le personnage posté devant les pyramides ou des palmiers semble appartenir au décor et les autoportraits où il incarne l’étranger, témoin d’un monde multiple épousant les nombreux déplacements de l’artiste mais auquel il ne peut appartenir complètement.
La question de l’exil hante l’artiste qui a quitté l’Égypte définitivement en 2003. Un déplacement géographique mais aussi temporel pour un art qui, inscrit dès l’origine dans une forme périmée, évoque la fugacité de la vie.
Mêlant photographies et vidéos, l’exposition traverse la totalité de la carrière de Youssef Nabil.
Youssef Nabil
05 octobre 2019 > 12 janvier 2020
Institut du monde arabe – Tourcoing
9 rue Gabriel Péri
59200 Tourcoing